Erika Ruchti, psychologue du sport aborde les conséquences des blessures chez les athlètes, qui impactent non seulement la performance physique, mais aussi la santé mentale.
Propos recueillis par Guillaume Aimée Mete / Le Jour
Erica Ruchti. Photo fournie
Quelles sont les principales conséquences psychologiques des blessures graves chez les athlètes ?
Les blessures des athlètes font partie intégrante du sport de haut niveau. Chaque athlète se blesse au moins une fois au cours de sa carrière. La question qui se pose est celle de la gravité de la blessure. Pour les blessures légères, comme une entorse les athlètes se remettent généralement sans grandes conséquences psychologiques. En revanche, les accidents et autres blessures graves peuvent affecter profondément l’état psychologique des athlètes. Il est important de noter que les individus sont différents et qu’il est impossible de généraliser sur qui, comment et à quel point une personne réagit psychologiquement après une blessure. La question centrale est de savoir comment les athlètes évaluent subjectivement leur blessure et quelles stratégies d’adaptation (telle que la gestion du stress, le soutien social, etc.). Les recherches internationales indiquent qu’au moins 30 % des athlètes blessés présentent des troubles psychologiques, tels que la dépression, les troubles anxieux, les troubles d’adaptation, la consommation de substances ou même des traumatismes. En Suisse, ce chiffre est encore plus élevé. L’absence de prise en charge des conséquences liées à une gestion inadaptée d’une blessure peut nuire aux performances sportives et, à long terme, affecter négativement la santé mentale, le bien-être, et la qualité de vie des athlètes. Ces effets peuvent perdurer même après la fin de leur carrière. De plus, il est possible que des blessures graves entraînent une fin de carrière prématurée et involontaire dans le sport de haut niveau.
Quelles sont les données sur l’impact psychologique des blessures chez les athlètes de haut niveau ?
On peut considérer que la probabilité d’apparition de problèmes psychologiques chez les athlètes est similaire à celle de la population générale. Des études montrent que les athlètes blessés sont plus susceptibles de souffrir de troubles psychologiques. Cela a été confirmé dans une étude représentative à l’échelle suisse (N = 1003) sur la santé mentale des athlètes de haut niveau. Au total, 17 % des répondants blessés ont signalé des symptômes dépressifs, 10 % des symptômes d’anxiété, 22 % des symptômes de troubles du comportement alimentaire et 18 % des troubles du sommeil.
Il y a une différence entre les athlètes masculins et féminins…
La recherche de Röthlin et al. (2023) a révélé des différences significatives entre les athlètes de sexe masculin et féminin. Parmi les athlètes féminines blessées, 52 % ont montré un score de santé mentale au-dessus du seuil critique, contre 30 % chez les athlètes masculins. Par exemple, la prévalence des symptômes dépressifs chez les athlètes féminines blessées était de 24 %, contre 13 % chez les athlètes masculins. Les troubles du comportement alimentaire en particulier touchent 36 % des femmes contre 12 % des hommes. Les raisons de ces écarts sont multiples. D’une part, les femmes sont plus enclines à chercher de l’aide et à parler de leurs symptômes, mais elles souffrent néanmoins plus souvent de troubles mentaux. Des stéréotypes de genre persistants, tels que le besoin de « performer davantage » ou la peur de l’échec, influencent leur santé mentale. De plus, les athlètes féminines sont plus affectées par des préoccupations liées à leur corps, ce qui peut entraîner des troubles de l’image corporelle.
Quel est votre rôle face aux problèmes psychologiques des athlètes blessés ?
Dans mon travail en tant que psychologue du sport à l’Office fédéral du sport (OFSPO) et à la Haute école fédérale de sport (HEFSM) dans le secteur de la performance sportive, nous attachons une grande importance à la collaboration interprofessionnelle. Cela signifie que toutes les disciplines sportives et des sciences du sport sont proches les unes des autres, ce qui favorise un échange actif pour la santé psychique et physique des athlètes. Cela influence également mon travail d’accompagnement lors de blessures. Lorsque les athlètes se blessent à Macolin, ils/elles peuvent me contacter directement ou passer par d’autres expert-e-s d’autres disciplines. En tant que psychologue du sport formée et thérapeute reconnue, j’utilise principalement des méthodes de psychologie du sport: la visualisation, notamment la technique de l’imagerie de guérison, le discours interne, la fixation d’objectifs et la régulation de la respiration. J’intègre également des techniques d’approche systémique et orientées vers les solutions, ainsi que de la thérapie cognitivo-comportementale. De plus, une approche humaniste et holistique, qui accompagne les athlètes à travers toutes les transitions de leur vie, est centrale dans mon travail.
Comment collaborez-vous avec les médecins et les autres professionnel·le·s de santé pour le suivi des athlètes ?
Dans le secteur de la performance sportive à Macolin, la gestion des cas et des soins est mise en œuvre comme une forme de collaboration interprofessionnelle. Ce concept vise à structurer, coordonner et favoriser la coopération entre différentes professions, telles que la médecine du sport, la physiologie de l’exercice (force et endurance), la physiothérapie sportive et les sciences de l’entraînement. Un·e gestionnaire de soins est désigné·e pour réguler et coordonner la collaboration de tou·te·s les intervenant·e·s. Ce/cette gestionnaire sert de représentant·e pour les athlètes, garantissant la documentation, la gestion des processus et une approche sensible, en particulier pour les athlètes mineur·e·s.
Les cas de gestion des soins comprennent des services tels que des tests de performance et des dépistages réguliers. Certain·e·s athlètes peuvent également demander un accompagnement supplémentaire, ce qui initie un processus interprofessionnel. En cas de réhabilitation, divers intervenant·e·s peuvent être impliqué·e·s pour assurer un rétablissement global. Parfois, une stagnation de performance peut survenir, entraînant un stress élevé. Dans des situations de crise, une réaction rapide et coordonnée est essentielle. De plus, le développement des talents est une priorité pour soutenir les athlètes prometteur·euse·s.
Ce que dit la loi
La législation suisse en matière de médecine du sport vise à garantir la santé et le bien-être des athlètes. Andrea Zryd, députée et coach en est une figure clé.
Source: www.andreazryd.ch
La médecine du sport en Suisse est régie par un cadre légal qui a pour objectif de protéger la santé des athlètes tout en favorisant des pratiques sportives éthiques et responsables. Dans ce contexte, Andrea Zryd, députée et coach joue un rôle clé. Elle allie son expérience d’athlète à ses responsabilités politiques, apportant une perspective précieuse à l’Assemblée nationale. Les fédérations sportives ont la responsabilité de garantir la santé et le bien-être de leurs athlètes. Andrea Zryd n’hésite pas à rappeler que « la santé, c’est le plus important ». Elle insiste sur la nécessité d’une collaboration étroite entre athlètes, entraîneurs, médecins et physiothérapeutes. Les chartes éthiques que les associations sportives doivent signer sont des outils essentiels pour promouvoir un comportement respectueux et prévenir les abus, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Dans ce cadre, la prévention des blessures et un suivi médical rigoureux sont des priorités absolues. La députée souligne l’importance de consulter un médecin dès qu’un athlète ressent un malaise, rappelant que « si ça ne va pas, il faut aller chez le médecin ». Cela met en lumière l’importance d’une culture de la santé proactive dans le sport. En tant que coach, Andrea Zryd met également l’accent sur l’éducation des athlètes et de leurs parents concernant les meilleures pratiques en matière de santé.
La médecine du sport évolue rapidement, intégrant des avancées technologiques et une approche personnalisée. Andrea Zryd évoque les progrès réalisés dans le dosage des médicaments, en particulier pour les femmes, afin d’assurer des traitements adaptés. Elle envisage un avenir où les technologies médicales et les pratiques sportives s’harmonisent, permettant ainsi une réhabilitation plus efficace et un retour au jeu en toute sécurité. Les nouvelles technologies jouent un rôle de plus en plus crucial dans ce domaine. Que ce soit par le biais de méthodes innovantes de réhabilitation ou d’outils de suivi de la performance, ces innovations offrent une approche plus fine et individualisée de la santé des athlètes. En tant qu’ancienne athlète et coach, Andrea Zryd est particulièrement consciente des enjeux liés à ces évolutions, et elle s’engage à faire avancer la médecine du sport en Suisse pour le bien-être de tous les athlètes. Guillaume Aimée Mete