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Aide suisse au Sri Lanka: des maisons pour les déplacés de guerre

Aide suisse au Sri Lanka: des maisons pour les déplacés de guerre

UN REPORTAGE DE KESSAVA PACKIRY AU SRI LANKA – MEDIA DE REFERENCE : LA LIBERTÉ

Madame Uthayakumar vivait ici, à Poonakary. Un endroit paisible et verdoyant, au sud de Jaffna, devenu un enfer en 2006 avec la percée des troupes sri-lankaises dans le Nord. Alors ils ont fui, elle et sa famille. Dans cette fuite, il aura suffi d’un seul obus pour tuer l’un de ses cinq enfants, et sept autres membres de sa famille proche. Pour ajouter à sa douleur, son mari les a abandonnés. Alors aujourd’hui, oui, Madame Uthayakumar est contente de disposer à nouveau d’une maison à Poonakary, éclate-t-elle en sanglots…

Il est des questions qu’il vaut mieux éviter de poser. Si un toit n’effacera jamais les cicatrices d’une guerre civile qui aura duré près de trente ans, achevée en 2009 avec l’assaut final sur les rebelles tamouls, il permet au moins de reprendre pied avec la vie. C’est dans ce contexte qu’intervient la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC). Présente dans le Nord du Sri Lanka depuis 2003, la DDC s’active depuis la fin du conflit à reconstruire des villages pour permettre le retour des milliers de personnes déplacées par la guerre.

Budget, 8,5 millions de francs.
«Nous ne construisons pas que les maisons, mais également les infrastructures qui vont avec, comme des écoles par exemple», explique Jean-Michel Jordan, responsable de la DDC au Sri Lanka. «Les maisons représentent le gros de notre activité», indique Reto Gerber, responsable des projets. En 2009, 300 premières habitations ont été construites à Maravanpulo, tout près de Jaffna, dans le cadre d’un programme pilote. L’infrastructure du village a été complétée par la construction d’une école, de neuf puits, d’un système de récupération d’eau de pluie, d’un centre communautaire. Aujourd’hui, la vie a repris, alors que l’endroit avait longtemps été déserté, puis envahi par la végétation. «Sans parler des mines», rappelle le directeur adjoint Lars Buechler (voir ci-après).

A la suite du programme pilote, près de 4400 autres maisons ont été bâties, ou le seront d’ici 2015. Pour un budget total de près de 8,5 millions de francs. «Certains des projets se font en partenariat avec des organismes de l’ONU ou de l’Union européenne», précise Reto Gerber. «Nous collaborons aussi avec les ONGs suisses Solidar et la Fondation Terre des Hommes Lausanne.» Les maisons, dont la construction est supervisée par des ingénieurs sri-lankais, ont une surface standard de 50m2. Elles répondent en cela aux normes fixées par le gouvernement sri-lankais. «Mais chaque propriétaire est libre de la faire plus grande», note Reto Gerber. «Nous mettons à disposition un montant d’environ 4700 francs pour une maison standard. Certains bénéficiaires rajoutent de leur poche pour construire une maison plus grande. Pour se faire une idée, le salaire moyen au Sri Lanka est de près de 100 francs par mois. «Nous avons toutefois constaté que certains se sont endettés avec des prêts à court terme. Et cela nous préoccupe. Nous étudions cet aspect pour déterminer de quelle manière nous pouvons les aider», concède Jean-Michel Jordan.

Pas clef en main
La DDC ne livre pas clef en main la maison: c’est au propriétaire de gérer la construction. A chaque étape franchie, il reçoit un montant pour la suite. C’est un moyen de les impliquer. De plus, ce système permet de favoriser l’économie locale: le propriétaire fait appel à de la main-d’œuvre du coin et à du matériel du pays. Pour pouvoir bénéficier de l’appui de la DDC, la personne doit justifier que la terre sur laquelle elle revient lui appartient. Pas toujours évident: quand on fuit, on emporte généralement le strict minimum. Et souvent, la passation des terres entre générations se fait par oral. Parallèlement, l’organe de coopération et de développement de la Confédération suisse s’attelle à reconstruire ou rénover des écoles pré enfantines. A l’actif de la DDC: 25 écoles, dont celle de Maravanpulo. Son directeur, Y. Jeyakanthan, n’est pas peu fier: «On a même une petite salle avec des ordinateurs!» Cette école datait de 1932. En 2002, tous les habitants ont fui la région. «Pendant dix ans, personne n’a vécu ici. A l’exception des armées sri-lankaise ou tamoule. Le bâtiment a fini par être complètement détruit!»

Gare aux crocos
Enfin, non loin de Poonakary, la DDC a pensé à protéger les habitants des… crocodiles. «En fait ils ne représentent pas vraiment une menace réelle. La cohabitation a toujours été pacifique entre les sauriens et la population locale. Mais nous avons quand même décidé de poser des barrières autour de l’escalier qui mène à l’étang d’eau douce. Cela permettra de rassurer les mères dont les enfants vont se baigner dans l’étang», explique Reto Gerber. Qui raconte qu’en arrivant au Sri Lanka, lorsque la DDC lui a présenté les programmes dont il aurait la charge, on lui a signifié qu’il aurait à s’occuper des crocodiles. «Là, je me suis demandé où je débarquais», rigole le jeune homme.

Kessava Packiry

Né en 1968 à Port-Louis, Ile Maurice, Kessava Packiry débarque avec sa mère en Suisse à l’âge de six ans. Dans le canton de Fribourg plus précisément, où il effectue toute sa scolarité. A l’Université, il tente de s’intéresser à l’économie. Il relance sa motivation en s’inscrivant, par hasard, à l’Institut du journalisme. Le déclic pour le métier survient au cours de trois mois de stage effectués à la rubrique Magazine de «La Liberté», à Fribourg. Il ne quittera plus ce journal. Engagé en 2006, il effectue toutes ses gammes à la rubrique «Régions», dont il prend la tête en 2009. Désireux de passer à autre chose, il rejoint en 2012 le Premier Cahier, qui traite des sujets nationaux, internationaux et économiques. A quand les «Sports»?

Uditha Hasinee Jayasinghe

Uditha Jayasinghe est rédactrice au Daily Financial Times à Colombo, Sri Lanka. Le FT est le seul quotidien du pays consacré au monde des affaires. Elle se concentre principalement sur les reportages économiques, mais elle a une longue expérience de thèmes liés au développement pendant et après les terribles trois décades de guerre dont le pays a émergé en 2009. Durant ses dix ans de carrière, elle s’est focalisée sur des thèmes très divers, allant de la réhabilitation des enfants soldats aux reportages de voyage. Sa préoccupation actuelle se porte sur la promotion de la croissance durable et équitable dans cette île tropicale qu’elle habite.

Kessava Packiry

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