Un reportage EQDA
Ramanagara/Mysore (ats) A Ramanagara, « ville de la soie », le marché gouvernemental donne le pouls des quelque 2000 exploitants qui viennent écouler chaque jour jusqu’à 50 tonnes de cocons de ver à soie de qualités différentes lors de trois enchères. A cinq heures de voiture de là, autre centre de la sériciculture, le CSRTI de Mysore a contribué à moderniser le secteur, au grand dam de certains paysans.
Toutes les ventes ont lieu sur ce site de Ramanagara. « Les gens ont confiance. Ils obtiennent ici un très bon prix. Alors ils viennent », souligne le directeur du marché. Il montre fièrement le nouveau système de cotation informatisé, lancé en grande pompe à la fin mai.
Le centre se finance en prélevant 2% de commission sur chaque transaction, la moitié auprès de l’agriculteur et l’autre auprès du fileur qui lui achète ses cocons.
Pour vendre leurs marchandises sur le plus grand site asiatique de ce secteur, certains n’hésitent pas à parcourir des milliers de kilomètres. Trois d’entre eux dorment à côté de leur production pour être assurés d’être prêts à l’enchère du matin.
Contraintes moins élevées pour les fileurs
Parce que contrairement à la plupart des cultures, le cocon de ver à soie apporte immédiatement un salaire à son producteur mais il est rapidement périssable. Ce qui pousse le paysan à accepter des prix défavorables.
D’ailleurs, un vendeur gesticule dans tous les sens. Il prend à partie le directeur, puis l’un de ses collaborateurs. Le ton monte. L’affaire se règle en privé, mais il estime n’avoir pas été suffisamment payé.
Du côté des fileurs, fonction occupée traditionnellement par des musulmans en Inde, la pression sur les prix se fait moins ressentir. « Si les négociants ne proposent pas un prix adapté, je ne vends pas », dit ce professionnel en tâtant un double cocon, plus solide et fabriqué par deux vers. Une fois qu’il a travaillé le cocon, il peut conserver sa marchandise pendant des mois.
Autre acteur majeur, l’Institut central de formation et de recherche sur la sériciculture (CSRTI) de Mysore accueille 90’000 cocons de ver à soie. Lancé en 1961, il fait office de référence pour l’enseignement et la recherche sur le secteur.
Suisse présente auparavant
Et sur ce site, la Suisse avait également apporté sa contribution. La Direction du développement et de la coopération (DDC) avait financé dans les années 80 un institut de recherche sur la sériciculture tropicale, qui accueille des ressortissants de plusieurs pays asiatiques.
La soie qui sort de l’ancienne capitale du royaume de Mysore est encore considérée comme la meilleure du pays, mais moins bonne que sa concurrente chinoise. Le directeur du CSRTI reste persuadé que la sériciculture a un avenir.
« Elle est la meilleure option » face au réchauffement climatique qui imposera des cultures plus gourmandes en eau. Soixante personnes apprennent actuellement d’ailleurs à Mysore les méthodes du centre avant de repartir vers leur village.
A Bangalore, l’Université des sciences agricoles (UAS) abonde dans ce sens. « La sériciculture donne du travail à plus d’un million de personnes au Karnataka », dans plus de 11’000 villages et sur plus de 80’000 hectares. La Banque mondiale (BM), en finançant dans les décennies précédentes des infrastructures, a largement contribué à l’essor de cette activité. Et récemment, un grand agriculteur a décidé d’exploiter 150 hectares.
28’000 tonnes
Sur l’ensemble du pays, la production attendue pour 2014-2015 atteint 28’000 tonnes, selon l’UAS. « Il y aura toujours une haute valeur sentimentale » dans les familles indiennes pour la soie.
Lorsque les Chinois se tourneront davantage encore vers l’industrie, l’Inde deviendra leader sur le marché, annonce son directeur des relations avec les paysans et spécialiste de la sériciculture, K. Jagadeeshwara. Et il ne faut pas oublier que l’Inde exporte quelque 360 millions de produits en soie par an.
En cas de libéralisation totale du marché de la soie, « les paysans devront améliorer la qualité de leur produit et les infrastructures et le gouvernement devra établir un prix minimal » selon les responsables du marché de Ramanagara. Un plan est en préparation pour favoriser les cocons blancs au détriment des cocons jaunes, moins bons. Il faut déjà préparer les infrastructures pour les prochaines années.