Un reportage EQDA
Contrairement à la Suisse, le Rwanda a décidé il y a quinze ans d’adopter des mesures contraignantes pour améliorer la situation des femmes dans la société. Avec des résultats fulgurants sur le papier.
Et si la Suisse prenait exemple sur un pays en voie de développement? Alors que notre pays fête les vingt ans de sa loi sur l’égalité entre femmes et hommes, essentiellement déclarative, les effets concrets demeurent bien modestes. Les écarts salariaux entre les sexes diminuent au compte-gouttes (environ 21%), les femmes ne sont représentées qu’à 29% aux Chambres fédérales et trois quarts des postes de recherche dans les universités reviennent aux hommes. Bref, la Suisse n’est pas une élève très zélée de l’égalité entre les genres, alors que des changements rapides sont possibles.
A quelque dix mille kilomètres de Berne, le Rwanda, lui, est passé en quinze ans d’un petit pays rural aux structures traditionnelles au sixième rang du classement mondial du rapport sur les écarts entre les genres réalisé par le World Economic Forum. Il régate désormais en tête avec les pays scandinaves. Classé en quatre chapitres – l’accès aux soins de santé, l’accès à l’éducation, la participation économique (salaires, participation au marché du travail, fonctions dirigeantes) et la représentation politique –, le rapport se veut exhaustif. Comment le Rwanda s’y est-il pris? Ces avancées se traduisent-elles réellement sur le terrain?
En 2000 et 2001, le Rwanda élabore sa stratégie 2020 pour une transformation de ses structures sociales et de son économie. Au programme, le repositionnement de son économie rurale vers le digital (Le Courrier du 23 septembre), mais également un travail de fond sur les problématiques liées à l’égalité entre les genres. Odette Musengimana, secrétaire du Réseau des femmes pour le développement rural et membre fondatrice de l’association Pro-femmes/Twese Hamwe, faîtière nationale des organisations de promotion du rôle des femmes dans la société, explique que le pays n’avait pas le choix: «Les femmes sont nettement majoritaires au sein de la population. Une nation en reconstruction ne peut pas s’en passer. Le président Paul Kagamé nous a aussi démontré à plusieurs reprises son attachement à la cause.»
Quotas et lois contraignantes
Le choix se porte alors sur des changements drastiques en misant sur l’espoir que les mentalités suivront. De nombreuses lois coercitives sont mises en place. «Pour s’assurer d’une représentation politique plus équitable, des quotas sont décidés. Dans chaque instance de décision, 30% des sièges reviennent aux femmes, qui peuvent par ailleurs se présenter sur les listes hors quotas. C’est ainsi qu’en 2013 le Rwanda est devenu le pays ou les femmes sont le mieux représentées dans un parlement national, avec 65% d’élues», détaille Mme Musengimana. Ces quotas existent également dans les exécutifs locaux. Si un homme est élu maire de district, alors un de ses deux adjoints sera obligatoirement une femme. En revanche, au Conseil des ministres, plus haute instance de décision politique, les femmes ne représentent que 35% des effectifs.
Au niveau économique, notamment pour l’emploi, le pays a mis en place une politique de discrimination positive. A compétences égales, l’employeur doit choisir la candidature féminine. Si ce genre de mesure demeure difficile à faire respecter, il a tout de même permis aux femmes rwandaises d’intégrer tous les secteurs économiques, même ceux jadis réservés aux hommes.
Connaître ses droits, un défi
En parallèle, une politique de facilitation d’accès aux terres est menée dans les campagnes. Par exemple, en cas de mariage, une épouse a automatiquement droit à 50% des biens et des terres du mari. «Une manière de rendre les femmes moins dépendantes financièrement», se réjouit Odette Musengimana. «La création de coopératives est également fortement encouragée. Elles permettent aux femmes de s’entraider, d’améliorer leurs compétences techniques et de mieux partager l’information», poursuit la spécialiste.
L’information. C’est peut-être là que le bât blesse dans ce paysage de petits exploits. «Avec un taux national d’alphabétisation des femmes de 68%, encore plus bas en milieu rural, les premières concernées ne sont souvent même pas au courant de leurs droits», nuance la secrétaire exécutive du Réseau des femmes. «Les politiques de scolarisation des jeunes femmes mettent du temps à produire leurs effets, donc des associations et des ONG de femmes doivent prendre le relais pour faire circuler l’information. Il faut ensuite compter sur le poids des traditions. Une épouse qui se rebelle contre son mari et réclame sa part risque fort de se faire ostraciser par la communauté. Parfois, il n’y a pas de miracle, les lois sont là mais les mentalités évoluent plus lentement. Les progrès réalisés en si peu de temps nous permettent néanmoins de rester très optimistes.»