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Carl-Alex Ridoré, premier préfet noir de Suisse: socialiste et fribourgeois à part entière

Carl-Alex Ridoré, premier préfet noir de Suisse: socialiste et fribourgeois à part entière

LE REPORTAGE D’OMAR DIOUF EN SUISSE

(Fribourg) – L’intégration de plus d’un million et demi étrangers dans la vie sociale et politique helvétique relève surtout d’une volonté individuelle. Carl-Alex Ridoré, militant socialiste, élu premier préfet noir de Suisse, refuse ainsi d’être un cas révélateur. Rencontre à Fribourg avec cet avocat de profession, né en Suisse de parents haïtiens.

«Chères Sarinoises, chers Sarinois, un grand merci à toutes celles et ceux qui m’ont apporté leur confiance et leur soutien pour cette élection à la Préfecture de la Sarine. Je mettrai toute mon énergie au service de notre district et de ses habitants». Ces deux phrases résument la profession de foi de Carl-Alex Ridoré, le préfet du district de la Sarine (Fribourg et environs). Il est le seul citoyen suisse noir à occuper cette fonction. Elu en septembre 2008, c’est près de deux années après que nous poussons en ce début d’après-midi la porte du bâtiment abritant l’institution à Fribourg, pour aller à sa rencontre.

La mise impeccable, costume de rigueur et lunettes fines, Monsieur le préfet Ridoré nous reçoit dans une grande salle de réunion de la Préfecture. En Suisse, la Préfecture existe dans la plupart des cantons romands. Berne et quelques autres villes alémaniques sont également dotées de préfectures, copiées sur le modèle français. Selon les cantons, les préfets représentent notamment le gouvernement cantonal dans leur district, surveillent les communes au niveau administratif et font office d’autorité de police en matière d’ordre et de sécurité.

Les préfets sont élus par le parlement cantonal sauf à Fribourg, où ils sont élus pour cinq ans par l’assemblée électorale des sept districts au système majoritaire. Elu sous la bannière du Ps suisse, il précise d’emblée que sa fonction exige de dépasser les clivages politiques. Il doit ainsi veiller au maintien de l’ordre et à la sécurité publique, distribuer les permis de construire, jouer un rôle d’autorité pénale, veiller sur les politiques de santé. Bref, une proximité et des contacts quotidiens entre Carl-Alex Ridoré et toutes les populations de la Sarine.

Natif de Fribourg de parents d’origine haïtienne, M. Ridoré a demandé à être naturalisé suisse après l’âge de seize ans. Il a donc possédé le passeport helvétique avant son pater, Charles, un secrétaire haïtien émigré en Suisse.

Sportif, basketteur de haut niveau, il admet que son intégration a été plus facile que pour certains plus d’une vingtaine d’années après. « Je n’ai eu aucun problème d’intégration. Etre né ici, y aller à l’école et parler la langue française m’ont également facilité beaucoup de chose. », reconnaît Carl-Alex Ridoré.

Avocat et militant politique

A 38 ans, l’avocat et médiateur de profession, marié à une Suissesse et aujourd’hui préfet de la Sarine, remarque que son cas n’est pas très révélateur de la situation générale des étrangers et immigrés en Suisse. Son parcours à lui est éloquent. Elu socialiste dès 2001 dans le législatif de sa commune de Villars-sur-Glâne, il entre au Parlement cantonal en 2006. Lors des élections fédérales de 2007, il échoue de peu à devenir le premier député fédéral noir de Suisse. C’est un autre socialiste, Ricardo Lumengo, originaire de l’Angola, qui deviendra alors le député national noir à siéger au Parlement fédéral à Berne. Mais une année plus tard, président du Ps de la Sarine, Carl-Alex Ridoré est élu, en juin 2008, préfet de ce district qui polarise Fribourg et ses environs pour succéder à Nicolas Deiss du Parti démocrate chrétien, démissionnaire.

Aujourd’hui, la société helvétique compte plusieurs élus « secundo », ces étrangers naturalisés citoyens suisses à leur majorité ou nés sur le territoire de parents immigrés. Et l’assouplissement de la Constitution dans certains cantons romands, comme Neuchâtel, Jura, Vaud et alémanique Appenzell Rhodes-Extérieures, permet désormais aux étrangers d’exercer le droit de vote à l’échelle cantonale et de s’intégrer ainsi dans la vie politique. Ils sont éligibles souvent dans certaines communes, même avant d’étrenner leur passeport suisse. Car-Alex Ridoré a dépassé toutes ces étapes d’intégration. Mieux, élu par le peuple, Monsieur le Préfet est le porte-parole de toute une commune, d’une région.

En évoquant notre séjour en Suisse avec le Préfet de Fribourg, il révèle avoir séjourné au Sénégal. Il y a deux ans, accompagné de son épouse, M. Ridoré a visité l’île historique de Gorée, la Porte sans retour de sa maison des Esclaves. « Un moment qui m’a marqué », confie le Préfet qui remarque que les Haïtiens, ses arrières grands-parents, sont partis d’Afrique, en passant par cette voie.

Deux semaines de séjour au Sénégal, lui ont permis de visiter outre Dakar et Gorée, Saint-Louis et la verte Casamance.

Le retour aux sources pour Carl-Alex Ridoré, c’est aussi Haïti, le pays de ses origines ou il est allé quatre fois. Un pays avec lequel il garde encore « des relations de tendresse »…

Omar DIOUF Le Soleil

Omar Diouf

Omar DIOUF a 38 ans et est journaliste au Quotidien Le Soleil au Sénégal. Il est titulaire d’un diplôme Supérieur de Journalisme (1996-1999) du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il fut journaliste-pigiste (Février 2000- Février 2001). Depuis mars 2001, il est journaliste-reporter au Quotidien national Le SOLEIL. En Service dans les Services Société, puis Culture-Art-Médias, il a effectué plusieurs reportages en Afrique, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Afrique du Sud; mais aussi en Europe, en FRANCE (octobre 2001) et en ITALIE (Février 2010).

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