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Droit de vote et d’éligibilité des étrangers: les bons points de la Suisse romande

Droit de vote et d’éligibilité des étrangers: les bons points de la Suisse romande

LE REPORTAGE D’OMAR DIOUF EN SUISSE

Considéré en Europe, comme un pays aux lois de naturalisation assez rigides, la Suisse accorde pourtant, à travers ses cantons, le droit de vote et d’éligibilité au plus d’un million et demi d’étrangers vivant parmi sa population.

Avoir un travail, ne pas trop déménager, apprendre la langue, ensuite formuler la demande de nationalité et passer un examen sur l’histoire des institutions… Les étapes sont souvent longues, mais la patience et l’abnégation d’un étranger finit toujours par payer en Suisse.

Un matin calme et serein à Fribourg. Sur l’une des artères piétonnes de la ville, Monsieur Fernandez, tient son restaurant. Vivant depuis vingt-cinq ans, en Suisse, dont vingt à Fribourg, ce Portugais est devenu citoyen suisse depuis dix ans. « Les Portugais développent très tôt les langues étrangères. Donc, moi, je me suis facilement intégré facilement ici. Je possède un passeport suisse, et je vote  au niveau communal et cantonal à Fribourg… » confie tout fier Monsieur Fernandez. En pleine conversation avec lui, après le verre qu’il nous a servi avec amabilité, Samira, l’une de ses employées dans le restaurant arrive les bras chargés du repas commandés. D’origine marocaine, Samira s’était mariée à un citoyen helvète. Divorcée il y a peu, elle confie également vivre depuis vingt-cinq ans dans Fribourg et ses environs. Il a aussi un passeport suisse et vote désormais. Mais, précise t-elle, ses compatriotes marocains, qui n’ont pas de passeport suisse ne vote pas du tout. Ils ne voient pas souvent l’intérêt de le faire. Pourtant à Fribourg, comme partout en Suisse romande, le droit de vote et d’éligibilité ont été inscrits dans la Constitution depuis 2005.

Selon un constat, les droits civiques des étrangers sont plus en vue surtout en Suisse romande. Ainsi, excepté le Valais, tous les cantons ont intégré les étrangers à la vie politique, à des degrés divers. Même si l’éligibilité au plan cantonal  n’est encore accordée par aucun canton. En Suisse romande, c’est Neuchâtel, à l’avant-garde, qui permet aux étrangers de voter dans les communes depuis 1848. Sa Constitution de 2002 élargit le droit de vote à l’échelle cantonale. Dans le Jura également, le droit de vote et d’éligibilité ont été accordés au niveau communal. Mais, sauf excepté pour les scrutins portant sur les révisions de la Constitution. Dans le canton de Vaud, grâce à la nouvelle Constitution entrée en vigueur en 2003, les étrangers jouissent de droit du vote communal s’ils sont au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis dix ans au moins et s’ils sont domiciliés dans le canton de Vaud depuis trois ans au moins. La même Constitution vaudoise, stipule que les étrangers remplissant ces critères peuvent aussi se présenter aux élections et siéger au Conseil communal ou à la Municipalité en cas d’élection. S’ils jouissent du droit de vote et d’éligibilité, ils sont aussi habilités à signer une initiative ou un référendum communal.

En Suisse alémanique, seuls les cantons d’Appenzell Rhodes-Extérieures et les Grisons accordent le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers au niveau communal. Les habitants de Bâle devraient décider ce printemps sur le droit de vote  cantonal des étrangers.

OMAR DIOUF  Quotidien le Soleil

COMPLÉMENT D’ARTICLE :

Exemples d’intégration en Suisse

Si les cantons assouplissent leur politique envers les étrangers, ces derniers, trouve Norbert, un historien suisse de souche, devraient également redoubler d’efforts pour faciliter ce processus. Les conseils de Norbert, rencontré autour d’un verre dans un restaurant lausannois, à un étranger pour une intégration facile sont : avoir un travail, ne pas trop déménager, apprendre la langue, ensuite formuler la demande de nationalité, et passer un examen sur l’histoire des institutions suisses. Aussi simple que ça? Jacques Neirynck, député suisse rencontré dans les couloirs du Parlement fédéral à Berne, répond que non. Ce Belge d’origine, naturalisé suisse en 1996, confie avoir essuyé deux refus avant d’étrenner son passeport helvète. « C’est extrêmement difficile de se naturaliser suisse. Il y a beaucoup d’obstacles.  Il y a beaucoup de taxes et des frais à payer (16 000 francs suisses), au Canton et à la Commune ». Mais mon amour pour la Suisse m’a motivé davantage pour aller jusqu’au bout… » rappelle le député Neirynck.

Né en 1931, en Belgique, cet ex-enseignant (1956-1963) à Kinshasa, au Congo, a été engagé comme professeur d’Electricité à l’Ecole polytechnique fédéral de Lausanne dès 1972. Célèbre polémiste reconnu dans les médias suisses, Jacques Neirynck, après sa naturalisation a été élu député au Conseil fédéral en 1999. Il a l’honneur d’être « doyen du conseil », lui, le « secundo ». Comme on appelle les étrangers naturalisés suisses. Réélu en 2007 sous la bannière du Parti démocrate chrétien, Jacques Neirynck, qui vit dans le canton de Vaud, trouve qu’il y a dans l’ouest lausannois, autant d’étrangers que de Suisses. Il cite l’exemple de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, où les étudiants étrangers représentent les 2/3 de l’effectif de l’Ecole doctorale. « La suisse est un pays d’émigration » remarque le professeur Neirynck. Un état de fait que confirme Gabriella Amarelle. D’origine uruguayenne, Mme Amarelle, naturalisée suisse en 1997, est aujourd’hui fonctionnaire à la Municipalité de Lausanne. Elle peut être considérée comme un bel exemple d’intégration d’une étrangère dans la communauté du canton de Vaud.Chef du Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés, logée à la Direction de la Sécurité sociale et de l’Environnement, Gabriella Amarelle trouvent que les lois qui s’appliquent aux immigrés dépendent de la sensibilité politique des gouvernants en place. Désormais citoyenne suisse à part entière,  Mme Amarelle est au cœur d’un centre de relais, d’orientation, et de sensibilisation à la Municipalité de Lausanne. Le travail au sein de la Direction de la Sécurité sociale et de l’Environnement consiste à accueillir les demandes, recevoir les coups de fils, faciliter aux immigrés l’accès au marché du travail, l’octroi de permis de séjour, la formation, assurer des cours à l’inter-culturalité avec la police lausannoise, etc.

Omar Diouf

Omar DIOUF a 38 ans et est journaliste au Quotidien Le Soleil au Sénégal. Il est titulaire d’un diplôme Supérieur de Journalisme (1996-1999) du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il fut journaliste-pigiste (Février 2000- Février 2001). Depuis mars 2001, il est journaliste-reporter au Quotidien national Le SOLEIL. En Service dans les Services Société, puis Culture-Art-Médias, il a effectué plusieurs reportages en Afrique, au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Afrique du Sud; mais aussi en Europe, en FRANCE (octobre 2001) et en ITALIE (Février 2010).

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