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Des vies d’étudiants

Des vies d’étudiants

Un reportage EQDA

Jordan Romaric Brika a tenu à mettre un peu d’ordre dans sa chambre d’étudiant avant de nous recevoir. Il nous ouvre la porte, révélant un espace exigu où sont encastrés un lit étroit, un bureau, une cabine de douche et un petit réfrigérateur. Quelques mètres carrés qui lui servent de chambre, de salle de bain, et parfois aussi de cuisine d’appoint.

Derrière l’écran de son ordinateur portable, l’étudiant de l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB) de Yamoussoukro désigne fièrement du doigt le boîtier wifi qui lui permet de disposer d’une connexion internet sans fil. «Nous avons formé un groupe de huit étudiants pour l’acheter et nous le partageons.»
Grâce à cet arrangement, Jordan Romaric Brika peut télécharger des Moocs, un acronyme qui signifie «Massive open online course » ou en français «Cours en ligne ouvert et massif». L’étudiant ivoirien en suit quatre, dont un Mooc en gestion de projet de l’Ecole centrale de Lille en France. «J’utilise ces cours pour approfondir mes connaissances dans certains domaines, car il y a beaucoup de notions que nous ne faisons que survoler en classe.»
La plupart des Moocs permettent aux étudiants d’obtenir une certification, qui, elle, est payante, mais cette étape n’intéresse pas le jeune homme. «J’ai peu de moyens et ce ne serait pas un investissement rentable pour moi», argumente-t-il.
Jordan Romaric Brika tapote sur son clavier pour ouvrir la page de la plateforme internet Coursera, qui héberge de nombreux Moocs. Le chargement prend toutefois plusieurs minutes. «Internet est un vrai problème ici», déplore l’étudiant.

RESERVE AUX ETUDIANTS AISES ?

«Seuls les étudiants qui ont un peu d’argent peuvent se permettre de suivre un Mooc.» Moussa Kone Ahmed

Raquette de tennis sur l’épaule, tenue de sport soignée, Moussa Kone Ahmed prend le chemin des terrains de sport du campus. Rare moment de détente dans une vie estudiantine studieuse. «La plupart du temps, je rentre à 18h, je mange et je suis prêt à me remettre à travailler», raconte l’étudiant ingénieur en logistique et transports.

Comme Jordan Romaric Brika, il met à profit son temps libre pour suivre des cours en ligne, ce qui lui a déjà permis d’obtenir un certificat d’une école de management française. «C’était important pour moi d’avoir une attestation. J’ai l’impression que mon Curriculum Vitae a ainsi plus de poids.»

Moussa Kone Ahmed sort de sa poche une clé de connexion internet 3G rechargeable. «J’ai dû investir pour avoir un accès qui me permette de suivre le Mooc dans le laps de temps donné et rendre les exercices dans les délais. Seuls les étudiants qui ont un peu d’argent peuvent se le permettre», reconnaît-il.

Justement, son amie Michaelle Sahi, qui suit la même filière de formation, a aussi essayé de suivre un Mooc mais n’a pas réussi à le terminer, car elle n’avait plus d’argent pour souscrire une connexion. «Les Moocs intéresseraient tout le monde, si on avait un accès à internet efficace et gratuit sur le campus, car on a tous envie d’améliorer nos connaissances. Mais c’est impossible dans les conditions actuelles», regrette la jeune fille.

Un accès gratuit à une connexion sans fil sur l’ensemble du campus universitaire relève pour l’instant de l’utopie. Pourtant, internet est pour les étudiants de Yamoussoukro un outil particulièrement précieux. «Nous utilisons essentiellement le web pour nos recherches, car il y a peu d’ouvrages intéressants dans les bibliothèques», remarque Moussa Kone Ahmed. En quatre ans à l’INP-HB, le jeune homme ne s’y est rendu que quelques rares fois. «Les ouvrages disponibles sont vieux. Ils datent souvent des années 80 ou 90, ce qui n’est pas très utile pour se tenir au couran des dernières évolutions technologiques.»

Photos : Flurina Rothenberger

Katy Romy

Katy Romy est journaliste à swissinfo.ch depuis 2015. Au sein de la rédaction francophone de ce média en dix langues, elle couvre l’actualité suisse pour un public international. Née en 1987 à Bienne, elle a réalisé un master en journalisme à l’Université de Neuchâtel. Presse et radio régionales ont marqué le début de son parcours journalistique.

Oumou Dosso

Chroniqueuse depuis 2011, puis secrétaire de rédaction au quotidien Fraternité Matin d’Abidjan (Côte d’Ivoire) depuis 2014 (avec stage au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes à Paris en février 2014), Oumou Dosso a été nommée conseillère du rédacteur en chef central en mars 2016. Elle est titulaire d’un doctorat de philosophie de l’université de Cocody (2015). Formée en éducation musicale en 1977, elle a enseigné dans ce domaine de 1998 à 2012. De 2011 à 2013, elle a été chercheuse au Centre de recherche sur les arts et la culture à Abidjan.

Katy Romy

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