Un reportage EQDA
Banglaore (ats) Face aux difficultés, une armée de petits paysans s’est mise en marche pour garnir les grandes villes à la recherche d’un meilleur quotidien. Quelque 40% de ces centaines de millions de personnes sont prêts à faire le pas, selon une ONG.
Pour 35% des foyers ruraux, le revenu mensuel est inférieur à 5000 roupies (environ 70 francs). Et leurs rentrées annuelles sont plus faibles que le salaire mensuel moyen des travailleurs urbains. Rapporté sur une journée, ce montant atteint 33 roupies (environ 50 centimes), soit de quoi payer trois thés. Au Karnataka, l’écart entre campagnes et villes est l’un des plus importants du pays, selon le gouvernement.
Dans 20 ans, « il y aura 20% de moins d’agriculteurs et ils devront rejoindre la ville », estime fataliste un leader syndical, HR Basavarajappa.
Son collègue KT Gangadhar pense au contraire que le nombre de petits agriculteurs augmentera. Il envisage déjà l’étape suivante. « Les jeunes commencent à revenir des villes en raison de leurs difficultés. Un groupe a même décidé de renoncer à investir dans les technologies pour se tourner vers l’agriculture ».
Pauvreté à la baisse
Parce qu’une fois arrivés en ville, la plupart déchantent et doivent se contenter de petits boulots. Certes, le taux de personnes sous le seuil de pauvreté est passé de 38 à 29% en deux ans, selon le gouvernement.
Un retour dans les campagnes serait toutefois semé d’embûches. Les sols disparaissent et les pâturages sont notamment en recul, selon Kadidal Shamanna, légende locale du militantisme et réputé pour sa hauteur au-dessus des courants syndicaux.
Parmi les cultures qui résolvent les paysans à fuir les campagnes figure la canne à sucre, à l’origine de nombreux suicides de paysans pour lesquels elle est devenue peu profitable. La Révolution verte l’avait promue au détriment du jaggery, le sucre de palme traditionnel indien.
Après l’avènement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le sucre a été importé du Brésil et du Pakistan à un prix inférieur. Aujourd’hui, 35% de la production est utilisé par les entreprises de boissons gazeuses et elles privilégient le sucre brésilien qui ne fait pas l’objet de taxes. Autre problème, les supermarchés ont remplacé les petits commerces et ils achètent du sucre en gros, ce qui fait chuter les prix.
Paquet économique
Résultat, la sécurité alimentaire de l’Inde n’est peut-être pas remise en cause mais il en va différemment de celle d’une nourriture riche en nutriments, selon le directeur de l’ONG Sahaja Samrudha, Krishna Prasad. Avec les conséquences que la situation implique, près d’un quart des Indiens sont diabétiques.
Paradoxe de l’histoire, dans 20 ans, il n’est pas à exclure que les Indiens soient « auto-suffisants sur l’industrie et dépendants sur l’agriculture », selon Kadidal Shamanna.
Les paysans en ont marre des lourdes dettes contractées. « Ils empruntent beaucoup d’argent et ils n’arrivent pas à rembourser. Cette situation a provoqué une hystérie au Karnataka », souligne le directeur des relations avec les paysans à l’Université des sciences agricoles (UAS) de Bangalore, K. Jagadeeshwara. Des milliers de suicides ont été constatés sur les trois dernières années. L’UAS tente d’aider avec paquet économique à destination des agriculteurs.