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Le fleuve béni des Niaméens menacé par la pollution

Le fleuve béni des Niaméens menacé par la pollution

UN REPORTAGE DE LEILA FERNANDEZ AU NIGER

Long de 4184 kilomètres, le troisième plus grand cours d’eau d’Afrique, le fleuve Niger, traverse l’ouest du Niger et sa capitale Niamey. Source de vie indispensable aux Niaméens, il est gravement menacé par les eaux usées et les déchets chimiques de la ville qui y sont quotidiennement déversés.

Pour les habitants des pays du Sahel, ce cours d’eau représente une richesse incommensurable, puisqu’il permet à plus de 100 millions de personnes de vivre des activités de la pêche, de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, selon l’Agence française de développement.

Toutefois, le phénomène d’ensablement, les eaux usées et les déchets industriels qui y sont rejetés, la propagation de plantes aquatiques envahissantes ainsi qu’une pluviométrie globalement en baisse mettent en péril le fleuve, s’alarme l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) qui regroupent les pays riverains (Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, entre autres). Certains géographes estiment même que son assèchement complet surviendra dans quelques décennies.

A Niamey, l’Association de défense des droits des consommateurs (ADDC-Wadata), a fait de la lutte contre la pollution des eaux du Niger son cheval de bataille. En collaboration avec un chercheur de l’Université de la ville, elle a mené une étude aux conclusions alarmantes, puisqu’elle a permis de distinguer une trentaine de facteurs de dangers.

Des bactéries pathogènes

« En analysant des échantillons d’eau, nous avons pu déceler énormément de bactéries. Certaines, comme les salmonelles et les staphylocoques, sont vectrices de la fièvre typhoïde, du paludisme de graves infections intestinales, respiratoires ou cardiaques », expose à l’ATS le président de l’ADDC, Maman Nourri.

Selon lui, parmi les milliers de Niaméens riverains du fleuve, un bon nombre souffre de ce type de maladies, tout comme de maladies de la peau.

En outre, des détritus organiques et plastiques ont été repérés, de même que des acides, des pesticides et des colorants en provenance des usines agro-chimiques (des industries pharmaceutiques, une brasserie, un abattoir et une tannerie, notamment) qui bordent le fleuve.

« Les poissons et la faune aquatique meurent. C’est toute la biodiversité du fleuve qui est menacée », souligne M.Nouri

Normes foulées aux pieds

« Des normes existent mais elles ne sont pas respectées », constate au Ministère nigérien de l’environnement, le directeur adjoint de l’environnement et du cadre de vie Souley Moussa Ali. Ce  dernier précise que le taux de produits chimiques mesuré a été jusqu’à dépasser de 114 fois le seuil autorisé.

« Avant de sanctionner, nous voulons mener un travail de sensibilisation auprès des industriels. Les premiers contacts ont été établis », assure-t-il. Selon M. Ali, en 2008, 15’119 m3 d’eaux usées par jour ont été rejetées dans le fleuve, dont 20% en provenance de l’industrie et 80% d’usage domestique. La ville ne dispose en effet pas de système d’évacuation et de traitement des eaux usées et très peu d’usines ont leur propre station d’épuration.

Les déchets de l’hôpital à l’eau

L’hôpital national de Niamey est une de ces rares exceptions. Pourtant, « en raison de factures d’électricité impayées, la station est à l’arrêt et les eaux insalubres se retrouvent dans le fleuve », affirme M Ali.

Selon l’étude de l’ADDC, l’ensablement du fleuve, dû notamment aux eaux de ruissellements qui détruisent les berges et au vent, représente également un lourd problème. « Il  faut protéger les berges au plus vite en fixant des dunes, sinon le fleuve ne s’écoulera plus certains mois de l’année », avertit M. Nouri.

Les maraîchers victimes

Président de la Fédération des coopératives maraîchères au Niger, Idrissa Bagnou est quotidiennement confronté à ce phénomène: « En raison du sable, l’accès à l’eau est de plus en plus difficile. Parallèlement, nos zones d’exploitation diminuent à cause de la pollution tellurique et de l’augmentation de la population », déplore-t-il.

Les 25’000 maraîchers de Niamey dénoncent en outre la contamination  de l’eau qui nuit à leur production , décimée en plus cet été par de graves inondations. « On nous reproche d’utiliser des eaux infestées. Mais qui est réellement le pollueur? L’Etat et les collectivités publiques doivent sanctionner les fautifs », s’insurge M. Bagnou.

Leila Fernandez, ATS

COMPLÉMENT D’ARTICLE :

Lutte contre la misère et espoir d’un retour à la démocratie

Le Niger, pays aride d’Afrique de l’Ouest comptant parmi les Etats les plus pauvres de la planète, est confronté à une très grave famine. Sur le plan politique, un référendum constitutionnel qui se tiendra le 31 octobre doit ouvrir la voie à des élections démocratiques début 2011.

Malgré les ressources du pays en uranium, 63% des près de 15 millions de Nigériens vivent en deçà du seuil de pauvreté. Et cette année, ils sont en outre confrontés à une très grave famine due à la sécheresse, qui affecte particulièrement les zones rurales.

Ainsi, pas moins de 7,1 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, souffrent de pénuries alimentaires, selon la Croix-Rouge.

La faim menace avant tout les femmes et les enfants. Chez ces derniers, en dessous de l’âge de cinq ans, le taux de malnutrition aiguë atteint 16,7% et il s’élève à plus de 20% dans le sud du pays, sévèrement touché, selon l’ONU. En moyenne, 6000 enfants sont admis chaque semaine dans les centres d’alimentation thérapeutiques.

En août, le Niger a de surcroît été frappé par des pluies diluviennes qui ont engendré des inondations le long du fleuve Niger, dans l’ouest du pays. Près de 200’000 personnes ont été sinistrées, dont environ 6000 à Niamey, la capitale, où des quartiers entiers ont été dévastés.

Face à cette situation, les agences humanitaires ont multiplié les appels à la communauté internationale, tout comme la junte militaire arrivée au pouvoir au Niger après un coup d’Etat en février. Ce faisant, elle a brisé le silence qui régnait sur les difficultés du pays sous la présidence de Mamadou Tandja.

Régime d’exception jusqu’aux élections

Ce dernier a pris la tête du Niger lors des élections législatives et présidentielle de 1999 sous la bannière du Mouvement national pour la société de développement (MNSD) et a été réélu pour cinq ans en 2004. A l’approche de l’échéance de son mandat, en août 2009, le président nigérien a alors organisé un référendum constitutionnel afin de remplacer la Constitution en vigueur et pouvoir se maintenir au pouvoir.

Une fois promulguée, cette nouvelle loi fondamentale a été fortement contestée dans tout le pays. Le 18 février 2010, un putsch organisé par des militaires a ainsi renversé le président Tandja, qui, depuis lors, est assigné à résidence.

Les insurgés ont mis en place un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), sous la présidence du chef d’escadron Salou Djibo. Ils ont également dissous le gouvernement et suspendu la Constitution controversée de 2009.

Un nouveau référendum constitutionnel a été fixé au 31 octobre. Le projet soumis au vote prévoit notamment un mandat présidentiel ramené à 5 ans, renouvelable une seule fois ainsi qu’une amnistie pour les auteurs du coup d’état.

Les militaires ont assuré que des élections législatives et présidentielles démocratiques se tiendraient le 31 janvier 2011. Celles-ci seront financées à hauteur de 41 milliards de dollars par la communauté internationale. En attendant, c’est le régime d’exception qui prévaut dans tout le pays./LF

Leila Fernández

Leila Fernández est née en 1979 d’une mère suisse et d’un père espagnol et a grandi à Yverdon-les-Bains. Après des études en sciences politiques à l’Université de Lausanne, elle a effectué un stage dans le domaine des droits de l’homme au Département fédéral des affaires étrangères, puis s’est lancée dans le journalisme pour différents journaux. Depuis 2006, elle travaille au sein de la rubrique internationale de l’agence télégraphique suisse (ATS) à Berne.

Alasanne Ibrahim

Je suis né le 16 septembre 1972 à Niamey, marié sans enfant et actuellement journaliste, présentateur du journal télévisé et animateur d’une émission sur la chaîne nationale (TELE SAHEL). Attaché de presse du Médiateur de la République. Je suis titulaire du diplôme supérieur en journalisme audio-visuel de L’IFTIC et d’ une licence en Géographie de l’ Université de Niamey.J ai suivi plusieurs stages de formations en journalisme sanctionné pour la plupart par des attestations.

Leila Fernandez

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