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Sous les pavés, les sacs en plastique

Sous les pavés, les sacs en plastique

UN REPORTAGE DE LEILA FERNANDEZ AU NIGER

Les sacs en plastique sont partout à Niamey: volant au gré du vent, s’accumulant sur les tas d’ordures, accrochés aux bosquets ou flottant sur le fleuve Niger. Afin d’assainir le paysage, une association les récupère pour en faire des pavés destinés à recouvrir les rues en terre de la ville.

« Notre méthode a fait ses preuves! Regardez tous ces pavés entreposés là. Et bien, ce sont des sacs en plastique que nous avons transformés. Ils n’attendent plus que preneurs! », s’exclame Husseini Adamou, un des responsables du projet de l’association niaméenne Réseau pour le Développement de l’Artisanat (RESEDA).

Dans la zone industrielle de la capitale, des hangars contiennent encore les restes de la grande récolte des sachets que  son association a organisée en 2005. « Nous en avions récolté 600 tonnes. Les gens faisaient la queue pour nous les amener au dépotoir communal. Il y en a même qui dormaient là-bas », relate-t-il à l’ATS.

Le projet permet alors aux nombreux sans emploi de se trouver une occupation rémunérée. « 50 CFA (10 centimes suisses) le kilo de plastique », précise M. Adamou.

Une presse qui change la vie

Une fois rassemblés, les sachets sont fondus à 700C° dans un four, puis mélangés à une grande quantité de sable afin de prendre la consistance d’une pâte. Celle-ci est ensuite mise sous presse et, au final, les pavés font leur apparition. « Grâce au four et à la presse offerts par une ONG italienne, en 15 minutes, nous produisons 2m de pavés », s’enthousiasme M. Adamou.

Pourtant, ces derniers mois le four n’a plus vraiment l’occasion de chauffer. « Nous récoltons encore des sachets, mais ils sont simplement stockés là. Le projet est suspendu », déplore le Niaméen. Les soutiens financiers au projet, qui provenaient notamment de l’Union européenne, ont été bloqués en attendant les élections démocratiques, prévues début 2011.

« Nous voulons relancer notre production et l’intensifier à travers de nouveaux partenariats », assure M. Adamou. « Au Mali voisin, le pavement des routes avance à grands pas grâce à des jeunes que nous avons formé », souligne-t-il.

A Niamey, les communes se disent intéressées mais dépourvues d’argent. L’une d’entre elles a du reste testé le produit final en faisant recouvrir le parvis de sa mairie, sans toutefois aller plus loin.

Leila Fernández/ATS

COMPLÉMENT D’ARTICLE :

400 ans pour disparaître

En 2006, pas moins de 227’000 tonnes de déchets plastiques, en majeure partie des sachets, étaient disséminés dans la capitale nigérienne, selon le Ministère nigérien de l’environnement citant une étude de l’Union européenne. Et les projections chiffrent leur nombre à 289’000 tonnes en 2015, si aucune mesure pour endiguer le fléau n’est prise d’ici là.

Ces déchets dégradent l’environnement, empêchent l’infiltration de l’eau dans les sols et causent la mort de nombreux animaux qui les mangent, constatent les scientifiques. Ils mettent en outre 400 ans à disparaître dans la nature.

Confrontés au même problème, d’autres pays africains tels le Tchad ou le Gabon ont décidé de l’éradiquer à sa source, en interdisant la production de sacs en plastiques non biodégradable. Une option écartée par les autorités nigériennes.

« Faire avec »

« Il faut faire avec. Les sachets sont ancrés dans notre mode de consommation. Par contre, nous envisageons d’imposer une taxe sur leur utilisation, basée sur le principe du pollueur-payeur », assure le directeur adjoint de l’environnement et du cadre de vie, rattaché au Ministère de l’environnement, Seydou Moussa Ali.

Les sacs plastiques de Niamey sont en partie importés de Côte d’Ivoire mais une usine en produit également à Maradi, la troisième ville du Niger, à quelque 600 kilomètres à l’est de la capitale.

Une stratégie nationale de valorisation de ces déchets, qui prône leur recyclage en divers objets a été adoptée en 2006, mais n’a pu encore être mise en oeuvre faute de financement. « Le recyclage permettrait une réduction de 60% de ces déchets », relève M. Ali. /LF

Leila Fernández

Leila Fernández est née en 1979 d’une mère suisse et d’un père espagnol et a grandi à Yverdon-les-Bains. Après des études en sciences politiques à l’Université de Lausanne, elle a effectué un stage dans le domaine des droits de l’homme au Département fédéral des affaires étrangères, puis s’est lancée dans le journalisme pour différents journaux. Depuis 2006, elle travaille au sein de la rubrique internationale de l’agence télégraphique suisse (ATS) à Berne.

Alasanne Ibrahim

Je suis né le 16 septembre 1972 à Niamey, marié sans enfant et actuellement journaliste, présentateur du journal télévisé et animateur d’une émission sur la chaîne nationale (TELE SAHEL). Attaché de presse du Médiateur de la République. Je suis titulaire du diplôme supérieur en journalisme audio-visuel de L’IFTIC et d’ une licence en Géographie de l’ Université de Niamey.J ai suivi plusieurs stages de formations en journalisme sanctionné pour la plupart par des attestations.

Leila Fernandez

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