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Le ver est dans le fruit

Le ver est dans le fruit

UN REPORTAGE DE SOULEY ONOHIOLO EN SUISSE

A la Maladière, quartier de Neuchâtel, les associations de quartier s’insurgent contre la pose de mâts géants. Et ce n’est ni pour des raisons d’esthétique ou de nuisances sonores, mais simplement parce ces constructions ne sont pas conformes aux textes législatifs. La population tient à être partie prenante dans les décisions des autorités.

On pourrait penser à première vue, que la mobilisation tous azimuts des populations du quartier de la Maladière contre la pose de mâts géants devant illuminer le vestige, ou la volte face des habitants du quartier des Beaux-Arts (riveraines du lac de Neuchâtel), face aux nuisances sonores provoquées par le Festival de musique, « Festi’Neuch » (organisé sur les bords dudit lac de Neuchâtel), s’inscrit dans une volonté de constituer un frein à l’embellissement ou au développement permanent de la ville.

Que non. Les populations s’insurgent contre le laisser faire des autorités communales et municipales. Elles omettent parfois de consulter les principaux concernés, même que dans certains cas de figure, elles agissent en violation flagrante des textes législatifs. « Tant que l’Association existera, nous allons condamner avec la dernière énergie, l’existence des mâts de la Maladière, car il sont illégalement construits, en contradiction avec les normes et règlements édictés par la commune. On ne peut pas accepter d’une société, qu’elle émette des lois et ne puisse pas les respecter » s’indigne Daniele Oppizzi président de l’Association du quartier de la Maladière. Les associations des quartiers veulent faire comprendre qu’elles ont leur mot à dire, qu’elles peuvent à tout moment, indiquer leur volonté ou faire valoir leurs droits, tels que inscrits dans les législations en vigueur.

« Nous ne versons pas dans un radicalisme aveugle. Nous pensons qu’il faut trouver des mesures compensatoires. Nous voulons avoir un mot à dire dans les différentes prises de décisions qui concernent notre site d’habitation. L’urbanisation doit se faire dans le souci de la préservation et la protection des intérêts collectifs » clame un des responsables d’association. Les associations de quartiers ne lésinent pas sur les moyens pour faire entendre leur voix, en suggérant la prise en compte de leurs doléances. Du coup, pour les autorités communales, les programmes et plans d’urbanisation ne sont pas gagnés d’avance, face à des humeurs et les émotions des mécontents qui s’intensifient au quotidien.

Au lieu de l’usage de la violence et la force qu’utilisent en pareilles circonstances les pouvoirs publics dans les pays africains, au Cameroun par exemple, la population et les autorités arrivent à un moment donné à se placer d’égal à égal pour discuter et chercher une solution ensemble. « La solution immédiate n’est pas de bastonner, museler, embastiller les contestataires. Les portes du dialogue doivent rester en permanence ouvertes car après tout, ce qui fâche les habitants des quartiers, n’est pas forcément vide de sens. La force ne doit pas toujours avoir le dessus sur le droit. Le développement et l’épanouissement de la ville sont faits avant tout pour le bien être des personnes en vie et non pour des morts » explique un habitant du quartier de la Maladière.

Faire place à un dialogue permanent

Très conciliant et tolérant, le président de l’Association du quartier de la Maladière a fini par convaincre ses membres de ce que, il faut oeuvrer dans la médiation, à travers une plate forme qui ouvre la voie à la négociation. « Il faut faire la paix des braves et trouver un terrain d’entente entre les deux parties. Nous devons pour cela, éviter de sombrer dans les extrémismes ou dans un radicalisme stérile, il faut renouer avec le dialogue. Nous sommes une opposition constructive et positive, qui présente des solutions parfois pour sortir des situations qui nous plongent dans l’impasse. Notre plus grand combat ne l’oublions pas, c’est d’être consulté avant le démarrage des projets qui concernent les quartiers, la ville » explique Daniele Oppizzi.

Face à la forte pression, la récurrence des mouvements d’humeur, les menaces de soulèvement et l’évocation des masses à vouloir saisir les tribunaux et juridictions à l’échelle cantonale ou nationale, pour obtenir la réparation sinon le rétablissement de leurs droits, les autorités communales ont compris qu’il faut écouter les plaintes des populations. Au fil des jours, on voit comment du fait d’une pression sans relâche des associations de quartiers, s’amoncellent des exemples qui illustrent le processus participatif des populations dans le lancement de certains projets et le choix des infrastructures à construire.

En conséquence de cause, elles consentent désormais à accéder aux doléances des habitants des quartiers qui consistent à voir participer leurs représentants, dans l’élaboration des projets en rapport avec les constructions et l’embellissement de la ville. Parmi les projets de solution évoqués, point n’est plus besoin de rester « rétrograde » en militant pour la destruction des mâts. Nécessairement. Le débat tourne autour des mesures compensatrices allant dans le sens de la réduction du bruit et à la limitation du nombre des voitures qui roulent dans le quartier en journée. Dans le même ordre d’idée, les populations attendent que la police de proximité soit sensibilisée dans le sens où, plutôt que d’être une police répressive comme c’est le cas dans les pays africains, elle doit discuter avec les populations.

Souley ONOHIOLO,  Le Messager

COMPLÉMENT D’ARTICLE :

Expériences d’ailleurs

Qu’il soit la question des mâts du stade la Maladière ou les nuisances du festival de musique Festineuch, dans chacun des cas, on en arrive à écouter les cris des habitants des quartiers dans le côté contesté de l’affaire. S’agissant de l’association des propriétaires et résidents voisins des « Jeunes rives », les membres s’emploient à sauvegarder le caractère résidentiel de la rue des Beaux-Arts, de défendre les intérêts des propriétaires et résidents voisins de la zone des « Jeunes rives ». L’association a les coudées franches et en toute tranquillité, elle peut prendre toutes les mesures et entreprendre toutes les actions jugées conformes à son but social, autant qu’elle peut agir dans toute procédure judiciaire ou administrative. Ce qui frappe aux yeux c’est la manière par laquelle, l’on voit comment les préoccupations des quartiers d’une petite ville suisse, comme Neuchâtel sont prises au sérieux ; mais surtout la mobilisation tous azimuts qui s’observe pour défendre leurs droits. A Neuchâtel, les associations des quartiers sont bien loties ; l’accès est conservé pour tous ; c’est le lieu où, la sécurité participe au bien-être de tous ; mieux : le quartier est un espace qui affiche une fière allure de modernité et de qualité. Contrairement à ce qui plombe le développement et l’épanouissement des habitants des quartiers dans d’autres pays, à Neuchâtel, les associations des quartiers revendiquent leur participation dans l’organisation, la gestion et le développement de la cité.

Outre le point d’honneur qui est mis sur l’aspect de la collaboration avec les autorités, la force mobilisatrice des populations s’adosse sur la connaissance des textes qui sont le point d’ancrage et la base légale sur laquelle elles tirent leurs appuis. On peut aussi invoquer le fait que leurs multiples combats s’accompagnent et sont soutenus et édictés sur la base des propositions solides. La pertinence de leur vision sur les enjeux de développement, la capacité de lobbying et les démarches coercitives auprès des autorités communales ou municipales donnent à comprendre que les associations des quartiers ne sont pas des enfants de cœur dont les doléances peuvent être facilement éludées par un revers de la main. Les associations de quartiers dans la ville de Neuchâtel sont de solides instances de débats et de discussion à travers lesquelles on voit l’émergence d’une société civile déterminée quand il le faut et capable quand l’heure est grave, à prendre la couleur d’une force de pressions.

Souley ONOHIOLO à Neuchâtel

Souley Onohiolo

Souley Onohiolo est né le 14 août 1965 à Bokito, en terre camerounaise. Sa fabuleuse aventure avec le monde la communication commence en 1994 ; d’abord à la Cameroon radio télévision (Crtv), chaîne provinciale du centre, puis à l’hebdomadaire « Génération ». Il quitte le navire en fin d’année 1997 et expérimente le journalisme Free Lance (indépendant). Il use de son flair et de ses réflexes personnels pour collecter, traiter les informations culturelles, l’actualité politique, les faits de société, qu’il propose à la publication des journaux ayant pignon sur rue. Pendant ces trois années, il publie une vingtaine d’articles à « La Nouvelle Expression », une soixantaine à « Mutations » et une centaine dans divers autres hebdomadaires et périodiques camerounais. En 2002, il rejoint les équipes du Messager. Pius Njawe, directeur de la publication du Messager qui a besoin d’un journaliste de terrain pour la région du grand Ouest qui bat de l’aille, l’affecte à l’Agence de Bafoussam. En fin d’année 2004, Souley est élevé au grade de « Grand Reporter ». Du mois de novembre 2007 en février 2010, Souley ONOHIOLO a assuré les fonctions de Rédacteur en chef adjoint, coordonnateur de la Rédaction de l’Agence Le Messager Centre Sud Est à Yaoundé.

Delphine Willemin

Journaliste au sein des quotidiens neuchâtelois L’Express et l’Impartial, Delphine Willemin a fait ses premiers pas dans le métier à Radio Fréquence Jura à Delémont en 2007. Elle a auparavant effectué des études en Lettres et sciences humaines à l’Université de Neuchâtel, options géographie, journalisme et sciences politiques. Cette Jurassienne de 27 ans vit dans les Franches-Montagnes où elle apprécie son rapport privilégié avec la nature. Mais les crépitements de la ville et l’appel du voyage font partie de ses moteurs dans la vie…

Souley Onohiolo

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