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Précurseur de la lutte anti-globalisation, la KRRS repart au combat

Précurseur de la lutte anti-globalisation, la KRRS repart au combat

Un reportage EQDA

Shivamogga/Hassan (ats) L’écharpe verte des agriculteurs est fièrement vissée sur l’épaule de ses membres. Devenu célèbre dans sa lutte pour chasser le géant agro-alimentaire américain Cargill dans les années 90 du Karnataka, le syndicat paysan de cet Etat indien (KRRS), qui s’inspire des principes de Gandhi, est divisé entre plusieurs courants. Mais face à la menace qu’il attribue à la globalisation, l’heure est au rassemblement.

Préoccupation sur la canne à sucre, faibles précipitations, demande d’un prix garanti et surtout menace d’une loi d’expropriation, les défis ne manquent pas dans l’agriculture au Karnataka. Ces tensions mobilisent le puissant Karnataka Rajya Raitha Sangha (KRRS), le syndicat agricole qui revendique comme membres 20% des 60 millions d’habitants de cet Etat indien.

A un courant plus politisé s’affronte un autre progressiste et proche des fondamentaux du mouvement, lancé au début des années 80 à Shivamogga. Symbole d’amitié et de proximité entre agriculteurs, l’écharpe verte des paysans du Tamil Nadu, de l’Andra Pradesh et du Karnataka, ne reflète plus forcément la réalité.

L’un des présidents de la KRRS, KT Gangadhar, tenant du courant progressiste, souligne que les tensions existent depuis toujours, mais « les agriculteurs sont unis » face à la libéralisation et « il n’est pas facile pour un gouvernement » de s’opposer à eux. « Les politiciens se parent de cette écharpe mais ne font pas le boulot », estime un autre président, leader du courant rival, HR Basavarajappa.

Gouvernement visé

Un double discours dont est régulièrement accusé le gouvernement. Il vient de rebaptiser le ministère de l’agriculture en « ministère de l’agriculture et du bien-être des paysans ». Mais il tente dans le même temps de faire passer une loi d’expropriation des terres agricoles au profit des grands groupes. Face à l’opprobre paysanne, le texte est bloqué. Mais la KRRS est persuadée que le gouvernement reviendra à la charge.

« Les multinationales sont arrivées doucement au début et les gens n’ont pas réalisé les conséquences potentielles ». Avant, ces entreprises n’avaient pas le droit d’acheter des terres, souligne M. Gangadhar. Une manifestation de blocage des autoroutes est prévue le 30 septembre.

Une situation qui pourrait replonger la KRRS dans ses heures les plus agitées. En 1993, elle avait saccagé le siège de la filiale semences de Cargill à Bangalore, capitale du Karnataka, pour la pousser à partir. Un comportement inhabituel pour le mouvement qui s’inspire de la non-violence de Gandhi. Mais ce principe s’applique aux êtres animés, pas au mobilier, se défendent ses membres.

Depuis cette lutte qui a fait connaître la KRRS largement au-delà des frontières de l’Inde, les fronts internes ont bougé. Une telle action est devenue « difficile parce que les multinationales sont soutenues par le gouvernement. Mais nous nous engageons à les faire partir », relève M. Basavarajappa.

Baisse pour la noix d’arec

« Si la situation le demande, nous recourrons aux mêmes méthodes ». « Nous ne fuirons pas », abonde M. Gangadhar. « Avec 70 % de la population, nous avons le pouvoir humain ».

« L’objectif de la KRRS est d’exclure l’agriculture des discussions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il est difficile pour les petits paysans indiens de lutter contre leurs homologues occidentaux. C’est comme une course entre un automobiliste et un piéton ». La concurrence devient aussi plus intense avec les pays asiatiques.

Preuve en sont les importations de la noix d’arec, un fruit qui constitue l’un des étendards du Karnataka. Même si la taxe d’importation a été augmentée, le problème est contourné. La noix d’areca thaïlandaise passe par le Sri Lanka, avec lequel un libre-échange est en vigueur dans ce domaine. En quatre mois, 560’000 tonnes de noix d’arec ont été importées, selon M. Basavarajappa. L’Inde en importe aussi du Pakistan et de Malaisie.

L’absence d’un prix « scientifique » qui intègre les coûts de production constitue le principal moteur des suicides de centaines de milliers d’agriculteurs, selon M. Gangadhar.

Pesticides ciblés

Depuis la Révolution verte des années 60, le gouvernement a par ailleurs axé sa politique agricole sur la production, pour nourrir sa population. Mais en encourageant les fertilisants et les pesticides, il a fragilisé les petits paysans.

« La plupart des paysans indiens sont analphabètes et ignorants. Ils sont sensibles à la publicité à la télévision » des grands groupes au nom du rendement, dit M. Basavarajappa. Mais chaque semence ne peut être utilisée qu’une seule fois.

Outre des impacts sur les sols et sur la santé, elles ne sont plus adaptées au climat du sud indien, selon le dirigeant syndical. Le réchauffement climatique devrait amplifier le fléau. « Si la situation continue, la sécurité alimentaire est menacée ».

Et de dénoncer les activités confidentielles des multinationales. « Elles achètent des terres et mènent leurs propres recherches. (…) Même le gouvernement n’est parfois pas au courant » comme l’a montré un cas récent.

Appel à des clusters

Autre problème ciblé, les prêts auprès des banques. Le gouvernement en fait la raison des suicides. M. Gangadhar demande un moratoire sur le remboursement et une planification des quantités produites. Il admet aussi que l’alcool est devenu un problème. Mais « les prêts poussent les petits agriculteurs vers l’alcool ».

Côté solution, renforcer les Universités agricoles est l’un des souhaits exprimés. L’agriculteur engagé Syed Ghani Khan préconise un « bus vert » qui acheminerait les récoltes des différents paysans sur les marchés. Le gouvernement « n’est pas prêt à le faire. Nous le ferons nous-mêmes », s’engage M. Gangadhar.

Et il croit aux clusters dans les villages, pour mieux répartir la production. Un modèle communautaire qui promeut la démocratie directe et un retour à l’origine de l’engagement de la KRRS.

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