Un reportage EQDA
Bricoleurs, informaticiens, designers, artisans et étudiants fréquentent une maison nichée dans une rue tranquille du centre de Dakar. C’est le fablab – laboratoire de fabrication – Defko Ak Niep, un lieu de recherche technologique, mais surtout de partage des savoirs et de solidarité.
Au fond de la cour étincelle un grand mur de mosaïques multicolores ponctué de paroles. « Il n’y a pas de bien commun sans agir en commun. » « Parce que la nature, les cultures, sont partout différentes, les solutions ne peuvent être que multiples. »
Près d’un arbre trône une construction en bois ressemblant à un bim-bam agrémenté d’une roue articulée, avec des airs de sculpture de Tinguely. Des fleurs, un chat mollement étendu à l’ombre – et un établi jonché d’outils, de planches et de circuits électroniques.
Soutenu par des ONG, ce fablab existe depuis deux ans sous l’égide de l’association Kër Thiossane, spécialisée dans les arts numériques et les technologies libres. « Defko ak Niep » signifie « Fais-le avec les autres ». Cet espace « à la sénégalaise » associe les savoir-faire locaux avec les machines et les technologies numériques.
Artisanat et numérique
« Les artisans sont bons dans ce qu’il font, mais manquent de connaissances informatiques, alors que certains outils numériques peuvent leur faciliter le travail », explique Dodji Honou, animateur du fablab. Cela peut permettre par exemple de dupliquer un modèle à grande échelle aux mêmes dimensions et avec la même qualité.
Dodji Honou amène sur l’établi une machine à tricoter des années 1980, avec des cartes à trous pour les motifs. Elle a été modernisée en y intégrant une carte électronique open source. Branchée sur un ordinateur, elle permet de générer des milliards de motifs différents, explique Dodji Honou. Des couturières qui n’ont pas accès à du matériel high-tech peuvent ainsi créer des motifs complexes.
Démystifier la technologie
Le fablab organise aussi des ateliers gratuits pour le grand public et les enfants. Dodji Honou montre, sur le sol de la cour, deux bidons en plastique décorés de couleurs vives: « C’est le ‘Jerry’: un ordinateur dans un bidon ». Parce qu’un bidon ne coûte pas cher.
« On apprend aux jeunes à démonter eux-mêmes des vieux ordinateurs, on prend les composants qui fonctionnent encore et on remonte quelque chose. » Le but est de démystifier l’informatique, de « montrer que ce qui est dans un ordinateur n’a rien de sorcier ».
Defko Ak Niep apprend aussi à des particuliers comment fabriquer un panneau solaire soi-même plutôt que d’en acquérir un tout fait. « L’objectif est de dire aux gens: ce que vous achetez, vous pouvez le fabriquer. »