Un reportage EQDA
Beaucoup de jeunes pensent qu’il faut aller en France pour bénéficier du meilleur enseignement. S’ils peuvent suivre des cours en ligne de qualité, ils ne voudront peut-être plus partir de l’autre côté (réd.:en Europe)», espère Yves Tiecoura.
Ce dernier, qui a lui-même étudié en Ukraine, est pour l’instant le seul professeur de l’établissement à enregistrer des vidéos. Son sourire et son air jovial font de lui un personnage au sein de l’INP-HB. Dans les couloirs de l’établissement, il s’arrête pour plaisanter avec quelques collègues, puis interpelle un groupe d’étudiants. «Je suis plus à l’aise en classe que devant la caméra. Lorsque j’enregistre un Mooc, je dois être précis et aller à l’essentiel. Je ne peux pas taquiner mes étudiants, comme j’ai l’habitude de le faire», commente-t-il, en traversant, sous un soleil de plomb, les vastes pelouses qui séparent les différents bâtiments du campus.
Yves Tiecoura est pourtant convaincu que les Moocs représentent l’avenir de l’enseignement. «Nous vivons à l’ère de l’image, dans un monde numérique. L’école doit s’approprier ces nouvelles technologies.» Il espère aussi que la qualité de l’enseignement s’en trouvera améliorée: «Lorsque j’étais étudiant, je me demandais souvent si ce qu’on apprenait en Côte d’Ivoire était correct, si ce n’était pas en retard. Les Moocs obligent les professeurs à vérifier et à se remettre en question, car ils sont diffusés dans le monde entier.»
«AVEC LES MOOCS, MES ETUDIANTS COMPRENNENT MIEUX»
«Depuis que je montre à mes étudiants des vidéos de Moocs, dans lesquelles les expériences sont filmées, ils comprennent bien mieux.» Florence Bobelé Naimke
Les vidéos ont aussi le pouvoir de remplacer du matériel que l’établissement n’aurait pas les moyens d’acquérir.
Difficile par exemple d’enseigner la chimie sans laboratoire. L’INP-HB n’a toutefois pas les moyens de s’offrir des salles équipées correctement. «Je dois donc renoncer à organiser des expériences», déplore Florence Bobelé Naimke, professeure de chimie et sous-directrice de l’établissement.
Son regard, déjà cerné par la fatigue, est soudains envahi par une vague de mélancolie. Elle fait partie des rares professeurs qui n’ont pas étudié en Europe. «Pur produit de l’INP-HB», comme elle se définit elle-même, Florence Bobelé Naimke se souvient que lorsqu’elle était étudiante l’établissement disposait encore de laboratoires dignes de ce nom, mais ils sont désormais tombés en décrépitude. Les cours en ligne sont pour elle la panacée: «Depuis que je montre à mes étudiants des vidéos de Moocs, dans lesquelles les expériences sont filmées, ils comprennent bien mieux.»
Installé sous le pavillon moderne et climatisé qui fait office de cantine pour le corps enseignant, Alphonse Diango, professeur de génie mécanique, se montre sceptique. Il s’intéresse aux Moocs, essaie même d’en suivre mais se heurte, comme ses étudiants, à la lenteur d’internet. «On n’arrive pas à les suivre. On s’inscrit mais lorsqu’on essaie d’y accéder, on n’y arrive pas en raison de problèmes de connexion», soupire-t-il, entre deux bouchés d’attiéké. Il relève aussi un autre obstacle: «On achète à l’opérateur un abonnement avec un débit de 400 méga, mais on n’arrive jamais à obtenir une connexion si rapide sur nos ordinateurs, ce que l’on nous vend ne correspond pas au débit réel.»
«Un Mooc? Mais qu’est-ce que c’est?», demande un autre professeur croisé dans les couloirs de l’INP-HB. Pas très intéressé par cette nouvelle technologie, il préfère travailler avec des supports de cours traditionnels, qu’il crée lui-même. Après réflexion, il lance tout de même: «Les Moocs, c’est bien mais il faudrait qu’internet suive!»
Photos : Flurina Rothenberger