Un reportage EQDA
Trois projecteurs et une caméra sont braqués sur lui. Il a choisi une chemise teintée de vert et de jaune, qu’il portera durant l’entier du tournage. «Je suis un peu crispé», concède-t-il. Yves Tiecoura n’est pas un acteur de cinéma qui se prépare à entrer dans son nouveau rôle. Il est professeur à l’INP-HB et s’apprête à enregistrer le premier Mooc 100% «made in Africa», intitulé «Enseignes et afficheurs à LED».
«On coupe!» Yves Tiecoura interrompt l’enregistrement. Il faut arrêter la climatisation, qui fait trop de bruit et perturbe le tournage. L’air du studio s’alourdit légèrement. L’équipe du Service Audio-Visuel commente les images qui viennent d’être filmées. Pour que le cours puisse ensuite être diffusé sur Coursera, il doit répondre à certains standards de qualité.
S’il est un peu une star à Yamoussoukro, Yves Tiecoura n’est pas le seul acteur du premier Mooc réalisé entièrement en Afrique subsaharienne. Celui-ci est le fruit d’une collaboration avec trois autres professeurs: Mamadou N’diaye Lamine du Sénégal, le camerounais Alain Tiedeu et Pierre-Yves Rochat, chargé de cours à l’Epfl. Il s’agit d’un Mooc collaboratif, un concept initié par le Réseau d’Excellence des Sciences de l’Ingénieur de la Francophonie (RESCIF).
Une collaboration entre trois professeurs d’horizons culturels différents qui ne se fait pas toujours sans anicroche et qui nécessite des compromis. Il a notamment fallu se mettre d’accord sur l’utilisation de certains termes.
UN REMEDE AU SURPEUPLEMENT DES UNIVERSITES
Aboubakary Bamba, responsable du service Audio-Visuel de l’INP-HB, s’occupe du montage.
Ce tournage génère l’enthousiasme des professeurs ivoiriens, mais il est aussi très suivi en Suisse à l’Epfl. Il a valeur de test; l’objectif de l’Epfl étant de transmettre à ses partenaires africains les outils techniques et pédagogiques nécessaires à la création et à l’utilisation de Moocs. «L’idée est qu’ils puissent produire leurs propres cours en adéquation avec les besoins régionaux, car on sait que la manière d’enseigner diffère selon l’endroit dans lequel on se trouve sur la planète», explique Dimitrios Noukakis, chef du programme «Moocs pour l’Afrique».
Des auditoires surpeuplés, des professeurs surmenés qui n’ont pas le temps de mettre leurs enseignements à jour ou des cours magistraux qui ne laissent pas de place à l’interaction. C’est le quotidien des universités en Côte d’Ivoire et plus généralement sur le continent africain. Seules les polytechniques, comme l’INP-HB, sont épargnés par le surpeuplement.
Pour l’Epfl, les Moocs sont une réponse au problème de ce que l’on nomme la «massification de l’enseignement supérieur.» Sa stratégie: Sa stratégie: mettre en place trois centres techno-pédagogiques, qui permettront notamment de réaliser des Moocs. Celui de Yamoussoukro est déjà fonctionnel, alors que deux autres verront le jour à Dakar (Sénégal) et Yaoundé (Cameroun). Une douzaine de professeurs de chacun de ces établissements sera aussi formée à l’intégration de Moocs existants dans les cursus.
Mais tout cela signifie-t-il que les professeurs vont être remplacés par des vidéos? La question taraude de nombreux enseignants. «On essaie de leur dire que ce n’est pas du tout le but. Ils doivent simplement retrouver leur valeur ajoutée qui n’est certainement pas de donner un cours devant un auditoire de 1500 personnes», souligne Dimitrios Noukakis.
Inquiétudes et appréhensions mais également espoirs. Les Moocs font aussi rêver les professeurs.
Photos : Flurina Rothenberger