UN REPORTAGE DE LEILA FERNANDEZ AU NIGER
A une cinquantaine de kilomètres de Niamey, dans le région de Kouré, au coeur de la brousse tigrée, vivent les dernières girafes de l’Afrique de l’Ouest. Victimes du braconnage et suscitant l’inimitié des agriculteurs il y a quelques années encore, elles sont désormais jalousement protégées par les villageois.
Au mitan des années nonante, ces girafes, de l’espèce peralta, frôlaient en effet l’extinction, ne comptant en tout et pour tout que 49 individus. Touchée par leur sort, l’ethnologue française Isabelle Ciofolo décide alors de tout mettre en oeuvre pour les sauver et créée l’Association de sauvegarde des girafes du Niger (ASGN).
Cette dernière vise le développement du tourisme autour des girafes afin d’assurer des retombées économiques aux villages environnants, un gagne-pain qui doit pousser la population à la protection de ces animaux et de leur environnement.
« Nous avons organisé le travail des guides, qui se trouvaient déjà dans la zone, dans le but d’amener les visiteurs au plus près des girafes », explique à l’ATS le coordinateur de l’ASGN, Omer Dovi. Dans le même temps, grâce à des partenariats à l’étranger, un système de micro-crédits est établi, permettant aux habitants de la région de réaliser des projets qui leur tiennent à coeur.
« Ces prêts leur ont notamment permis d’acquérir des semences et des engrais et de faire du petit commerce et de l’élevage », précise M. Dovi. A l’heure actuelle, ce sont 600 femmes et 740 hommes de dix-huit villages qui bénéficient des micro-crédits, pour un montant à hauteur d’environ 64’000 francs.
Amener au respect par l’éducation
L’ASGN s’efforce également de mieux faire connaître les girafes aux villageois afin d’en faire un animal respecté. A cet effet, elle emploie six animateurs, présents en permanence dans la région, qui dispensent des cours déducation environnementale.
« Ces animaux ont longtemps été perçus comme des intrus qui venaient saccager les champs. Il a été possible de leur délimiter un espace à partir du moment où les agriculteurs ont compris l’opportunité de leur présence », constate M.Dovi.
La girafe n’est donc plus un ennemi, preuve en est la plantation récente de 6000 plants d’acacias, arbres dont elle raffole, par la population. Cette dernière assure du reste être fière de ses ruminants, même si quelques litiges réapparaissent de temps à autres en raison de dégâts dans les champs.
Un changement de mentalité qui a permis, au fil des ans, de voir le troupeau progressivement augmenter avec une moyenne de 20 naissances de girafons par année. Au dernier recensement l’an dernier, 220 girafes ont ainsi été comptabilisées. Même si l’espèce n’est pas encore totalement hors danger, l’ASGN veut croire à sa survie.
Le touriste déserte
Un danger guette cependant et, sur le terrain, les guides en sont les premières victimes: depuis une année, le touriste se fait rare au Niger. « Nos revenus sont très faibles en ce moment, nous touchons 5000 CFA (près de 10 francs suisses) sur une dizaine d’entrées par semaine. Nous devons nous répartir cette somme entre dix-sept personnes », déplore Mounkaila Zibo, le secrétaire général de l’Association de valorisation de l’écotourisme au Niger (AVEN), qui regroupe les guides.
Leila Fernandez, ATS