UN REPORTAGE DE LEILA FERNANDEZ AU NIGER
Ville de près d’un million d’habitants, Niamey, capitale du Niger, est confrontée à une explosion démographique qui l’expose à une insalubrité toujours plus menaçante. Au moins 750 tonnes de détritus y sont produits chaque jour, dont seuls 10% gagnent la décharge municipale, selon les autorités. Le reste s’amoncelle dans les rues.
Le centre de Niamey offre un spectacle bigarré et tumultueux: devant leurs échoppes de bric-à-brac, les commerçants apostrophent les passants, des femmes en costume traditionnel, leurs enfants aux bras, se pressent en direction des marchés, des groupes de vieillards dissertent à bâtons rompus, alors qu’éclate un concert de klaxons au passage de Touaregs et de leurs chèvres dans l’intense trafic. Au cœur de cette joyeuse cacophonie, la vision de monticules de déchets, repérables à tous les coins de rues de la capitale, déconcerte.
Peu de quartiers, sont en effet épargnés par ces amas de détritus, que les Niaméens appellent « dépotoirs sauvages ». Selon l’ONG Oxfam-Québec, qui a mené une étude en 2008 sur la gestion des déchets dans les cinq communes de Niamey, 270’000 tonnes d’ordures y sont générées par an, soit plus que des mégapoles telles que Le Caire ou Jakarta.
« Ceci s’explique par le fait que ces déchets sont composés à 54% de sable. La matière organique constitue 32%, et le plastique, 5% », précise à l’ATS la représentante de l’ONG à Niamey, Fatima Ibrahima.
Désorganisation et manque de moyens
Face à une telle quantité de détritus, les 133 conteneurs répartis dans la capitale, de faible volume, ne font pas le poids. D’autant plus, que 90% des ordures n’atteignent jamais la décharge officielle, à la sortie de la ville, selon le Ministère nigérien de l’environnement.
Ainsi, si une partie des déchets est récupérée par la population pour combler les ravines après la période des pluies, ou par des artisans qui recyclent certains matériaux, leur grande majorité tombe en putréfaction sur les routes en terre.
Selon Oxfam-Québec, qui entend mettre sur pied un système de gestion des déchets ménagers à Niamey, cette situation est la conséquence d’une « désorganisation générale », chaque commune ayant à sa charge l’évacuation des détritus. Pour ce faire, les camions-bennes de la ville, une vingtaine au total, peuvent être loués, « mais les moyens financiers font défaut », affirme Mme Ibrahima.
Des dires corroborés par le responsable de l’association Suisse-Niger à Niamey, Oumarou Adamou: « Les choses commencent à bouger mais durant des années nous avons fait les frais d’une mauvaise gestion. Les citoyens se plaignent face à l’insalubrité, cependant ils refusent de payer des taxes qu’ils estiment utilisées à mauvais escient ».
Vers une stratégie globale
« ll est primordial que la récolte soit organisée au niveau de la communauté urbaine, et que les différents acteurs impliqués et leurs fonctions respectives soit clairement identifiées afin de rétablir la confiance avec la population », relève Mme Ibrahima. De même, un système ne peut s’avérer optimal sans un centre de tri et une décharge intercommunales aux normes.
L’ONG souhaite également mener un travail de sensibilisation auprès des Niaméens afin que ceux-ci prennent conscience de l’importance de vivre dans de bonnes conditions sanitaires. « Nous avons eu de très bons résultats au Bénin en introduisant notre campagne d’information dans les foyers sous forme de sketchs », assure sa représentante.
L’organisation chiffre sa stratégie de réhabilitation urbaine à 20 milliards de francs CFA (40 millions de francs suisses). Si plusieurs bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale, ont fait part de leur intérêt, depuis le coup d’Etat militaire de février ils se montrent plus frileux. « Nous avons confiance, nous pensons renouer les contacts dès la fin de cette année », assure Mme Ibrahima.
Nid pour les maladies
Au sein du Ministère nigérien de l’environnement, l’initiative est vue d’un bon oeil mais pas de soutien financier en vue: « Nous n’en avons pas les moyens. Nous recherchons des financements », affirme le directeur adjoint de l’environnement et du cadre de vie Seydou Moussa Ali. Ce dernier reconnaît qu’en matière de gestion des déchets « aucune stratégie globale n’existe pour l’heure ».
« Les déchets constituent un grand danger pour la population », admet le militaire. « C’est un nid pour les mouches et les insectes, et des maladies comme le paludisme ou la fièvre typhoïde peuvent proliférer ». Sur ce point, les autorités nigériennes assurent ne pas avoir de données précises. « Il est très difficile de déterminer dans quelle mesure une maladie est due aux déchets », soutient M. Ali.
Leila Fernandez, ATS