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Au secours des femmes victimes de violence

Au secours des femmes victimes de violence

UN REPORTAGE AU MALI DE BAYRON SCHWYN

Déjà précaire, la situation des femmes maliennes s’est encore fragilisée depuis le début de la crise en 2012. Premier volet de notre reportage au sein de centres d’accueil à Bamako.

Quatre lits métalliques trônent dans une chambre aux murs décrépits. D’une petite fenêtre sans rideau, un rai de lumière éclaire les draps de fortune bariolés qui les couvrent. Dans la pièce d’à côté, deux femmes se reposent. Des cris d’enfants déchirent le silence de temps à autre. La chaleur est étouffante.

La maîtresse des lieux nous guide: au fond du couloir, une salle de jeux aux couleurs passées. Dans une autre chambre, quelques vieilles machines à coudre, et, à l’étage inférieur, un atelier pour fabriquer savons et teintures. Chaque année, des centaines de femmes et leurs enfants fuient les violences et la précarité extrême pour se réfugier dans ce logement de fortune au cœur de Bamako, au Mali.

«Couchées par terre»

Situé au bout d’une route caillouteuse, ce centre d’accueil et d’hébergement est géré par l’Association pour le progrès et le droit des femmes (APDF). Quarante lits sont disponibles dans la capitale, et quarante autres dans deux autres villes du pays. Bien insuffisant. «Au début de la crise en 2012, nous avons hébergé jusqu’à 300 femmes avec leurs enfants. Certaines étaient couchées par terre sur de petites nattes…», lâche dans un soupir Diawara Bintou Coulibaly, présidente de l’association et patronne des lieux.

«Nous avons hébergé des familles pendant deux à trois ans, elles peuvent rester le temps qu’elles veulent, généralement jusqu’à ce qu’elles résolvent leurs problèmes.» En plus de fournir gîte et couverts aux femmes et à leurs enfants, le centre leur propose aussi gratuitement une assistance juridique, psychologique et médicale, ainsi que de petites formations. Le but: leur rendre leur autonomie. Près de 300 dossiers ont été ouverts l’année dernière. Bien souvent des histoires de corps marqués de bleus.

Coups répétés du conjoint, mariages forcés ou juvéniles, répudiations, viols ainsi que grossesses non désirées, les violences sont multiples et se sont accrues depuis le début de la crise politique en 2012.

Des groupes séparatistes touaregs avaient pris les armes pour promulguer l’indépendance de la partie nord du pays, l’Azawad. Alliance des indépendantistes avec des groupes terroristes, intervention de l’armée française et des Casques bleus, le pouvoir central a été sauvé de justesse, mais l’Etat a perdu le contrôle et est à peine présent dans de nombreuses régions.

Chiffres lacunaires

Sous l’égide de la communauté internationale, un accord de paix a été signé en 2015, mais son application a été ralentie tant les fronts restent tranchés. Aujourd’hui encore, les massacres de villageois sont monnaie courante dans le nord et le centre du Mali. Et, au cœur de ces tensions, les femmes souffrent. La pression sociale les condamne le plus souvent au silence.

Selon les données compilées par les Nations unies, 2965 cas de violences basées sur le genre ont été recensés dans le pays en 2018. La pointe de l’iceberg dans une contrée où plus de trois quarts des femmes considèrent qu’il est justifié pour un homme de battre son épouse, s’il estime qu’elle néglige les soins aux enfants, si elle est sortie sans le lui dire ou si elle refuse d’avoir des relations sexuelles.

 «On a mis le mariage au-dessus de tout, quand tu n’es pas mariée, tu n’es pas considérée par la société», souffle Diawara Bintou Coulibaly. «En Afrique, une femme mariée ne doit pas s’exprimer sur ses problèmes privés à l’extérieur de la famille. Elle préfère souffrir dans le mariage que d’être célibataire» complète-t-elle, imperturbable.

«Chez nous, une femme divorcée est une femme stigmatisée, en marge de la société», abonde Bouaré Bintou Founé Samaké, présidente de Wildaf, un réseau d’associations et d’ONG de promotion et de protection des droits des femmes au Mali.

Un féminicide par jour

«Avec la crise, tous les garde-fous sont tombés. Aujourd’hui, la situation est très inquiétante, car le taux de femmes touchées par les violences augmente. Même dans les lieux où la femme était historiquement plus protégée», avance-t-elle encore.

«La violence a quitté la sphère de la famille pour se retrouver dans la sphère publique. Avec la montée des mouvements islamiques, les filles en minijupes ou en jeans slim ne peuvent plus traverser le marché de Bamako sans qu’on s’en prenne à elles», dénonce-t-elle avant de s’emporter: «Chaque jour que Dieu fait au Mali, on enregistre au moins un cas de femme qui décède des suites des coups portés par son mari. Le viol en milieu familial est aussi devenu banal. Souvent, ce sont des viols collectifs, organisés et filmés, qu’on met sur les réseaux sociaux. Ces viols restent impunis. On fait tout pour décourager celle qui ose dénoncer.»

Peur de l’uniforme, complexité du système judiciaire, exposition de la victime lors des audiences judiciaires et surtout culture des arrangements «à l’amiable»: la plupart des cas restent inconnus de la justice ou des forces de l’ordre. Selon des chiffres compilés par les Nations unies, 90 à 92% des femmes touchées ont refusé d’être orientées vers les services de sécurités en 2018.

«Il y a trop d’impunité au Mali, ça encourage les gens à violer les droits de la personne», lâche gravement Diawara Bintou Coulibaly. «Même les cas de viols, on essaie de les régler à l’amiable».

Manque de places

Pour la leader de l’APDF, la priorité reste la prise en charge des victimes: «Aujourd’hui, il nous faudrait une soixantaine de places en plus à Bamako. Chaque femme vient avec quatre à six enfants» Et autant de bouches à nourrir. «Nous ne recevons pas d’aide financière de l’Etat, nous faisons ce que nous pouvons avec nos moyens», déplore-t-elle.Comme beaucoup d’autres associations, la structure compte sur des bailleurs de fonds étrangers: Terre des femmes, ONU Femmes, Unicef, Etat du Canada, la liste est longue, mais insuffisante pour répondre à tous les besoins.

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Bayron Schwyn

Bayron Schwyn, 27 ans, est journaliste au quotidien «ArcInfo». Il a fait ses premières armes le long du Littoral neuchâtelois en parallèle de ses études de philosophie et d’histoire contemporaine. Il a ensuite obtenu un Master en journalisme à l’Université de Neuchâtel. Après un stage au sein des rubriques locales du titre neuchâtelois, c’est désormais sur le web qu’il rend compte de l’actualité, sans faire fi de ses convictions. Ce voyage au Mali constitue sa première expérience professionnelle à l’étranger.

Acherif Ag Ismaguel

Je suis journaliste malien, né vers 1991 à Ménaka, au Nord-est du Mali. J’ai fait des études de Lettres et des sciences humaines à l’Université de Bamak). Après mon obtention de ma maitrise en lettres, j’ai accédé en 2014 à l’Ecole Normale supérieure Bamako pour devenir en 2017 professeur dans l’enseignement secondaire général. C’est à la même année que j’ai intégré le Journal du Mali, m’ouvrant ainsi la porte du journalisme. J’ai suivi dans ce cadre une formation en alternance à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille à Bamako.

Bayron Schwyn

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