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Freeman, fils de griot sénégalais et rappeur connecté

Freeman, fils de griot sénégalais et rappeur connecté

Un reportage EQDA

Le rappeur sénégalais Bocar Niang, alias Freeman, affiche de grosses ambitions autant pour sa propre carrière que pour les jeunes de sa région. Ce fils de griot âgé de 29 ans se définit comme un « slameur activiste ». Il fourbit ses outils numériques pour réaliser ses objectifs.

Dans les ruelles de Guédiawaye en banlieue de Dakar, l’artiste évoque son travail tout en cheminant jusqu’à son appartement. Ses textes en langues africaines (wolof, mandingue, peul), en anglais ou en français parlent de sa culture, de la jeunesse, de la pauvreté.

Il y a de la fierté et de la lumière dans son regard. Il s’est choisi le nom de Freeman pour signifier « homme libre », mais il se donne des limites – « je respecte la liberté des autres, je ne suis pas dans la violence. »

Bocar Niang a commencé sa carrière dans un groupe il y a une douzaine d’années, avant de se lancer en solo en 2007. Il a été sélectionné pour participer au programme Musica 2.0 mis sur pied en 2015 par l’organisation Trias Culture. « J’y ai gagné beaucoup d’expérience. Cela nous permet d’être plus à l’aise dans le numérique », raconte Freeman avec gratitude. Cette formation sur plusieurs semaines décline une vaste palette de domaines comme la lumière, le son ou le marketing culturel.

Réseaux sociaux
« Il y avait beaucoup de modules, trop même », confesse-t-il avec un sourire en coin une fois installé sur le canapé de son salon. « Je prends l’essentiel, ce qui me concerne, et aussi ce que je peux partager avec des collègues. » Il a bénéficié de beaucoup de contacts avec des professionnels du secteur. « C’est pas: ‘une lecture et puis le prof s’en va' », précise-t-il. Ce sont des ateliers collaboratifs, avec « du brainstorming et du partage ».

Freeman allume son ordinateur portable. Sur l’écran défilent des basketteurs ultra concentrés, gros plan sur leurs mains qui se passent le ballon, un groupe d’enfants souriants en léger flouté: ce sont les images bien léchées du clip « Rokki mi Rokki » (« Donnant donnant » en peul) réalisé à la suite de cette formation.

Le rappeur a aussi appris comment fidéliser son public et « booster la promo sur les réseaux sociaux ». « Par exemple il y a des moments où il faut publier et d’autres où il ne faut pas ». Il a désormais beaucoup plus d’audience sur internet. « Si j’organise un événement, pas besoin de coller des affiches. Juste ‘Jour J-2’ sur Facebook ».

Son et lumière
De plus, l’artiste peut gérer ses spectacles de façon plus professionnelle. Après son initiation auprès des spécialistes du son et de la lumière, il est outillé pour donner ses instructions aux techniciens en fonction de ses besoins.

« Lors d’un festival à Saint-Louis, pour le titre ‘Ghetto Night’, j’ai choisi mes lumières moi-même, dans un style nocturne, ‘bad boy' ». Au-delà de l’esthétique, il rectifie si la lumière éblouit trop sur scène – « une fois, à cause de ça, j’avais failli tomber ! ». Idem en studio: « Avant, je ne comprenais rien, maintenant je comprends ce langage ». « Je n’ai pas besoin d’y passer beaucoup de temps. Deux morceaux, en trente minutes c’est fait. » Freeman a déjà bon nombre de concerts à son actif. Il souhaite sortir un pré-album de cinq titres en octobre, puis un album au premier trimestre 2017.

Un relais
Les compétences collectées en formation lui sont aussi utiles pour ses activités associatives. Il organise depuis huit ans le festival Tamba Jeunes Talents, une plateforme d’expression pour les jeunes de sa région à Tambacounda, à 400 km à l’est de Dakar. On y trouve du hip hop, de la danse, des rollers, du graffiti et bien d’autres disciplines de la culture urbaine. Ces jeunes talents, « il faut les détecter, les encadrer, les promouvoir ». « On joue aussi un rôle de transmission »: faire profiter les autres de ses acquis.

Ce genre d’événement amène de l’action à Tamba, et permet de promouvoir l’image de cette région peu connue du pays. Car « le Sénégal, c’est pas seulement Dakar ». « Chaque fois que j’aurai l’occasion d’étudier comme chez Trias, je le ferai », affirme l’artiste avec détermination. Comment se voit-il dans deux ans ? « Un relais, un modèle, une référence dans le rap. »

Martine Salomon

Après une licence en Lettres à Neuchâtel, Martine Salomon a effectué son stage de journaliste à l’Agence Télégraphique Suisse (ats). Elle a travaillé à la rubrique économique pendant plusieurs années, puis est devenue correspondante dans les cantons de Fribourg et Neuchâtel. Toute l’actualité est au menu, des procès aux assemblées politiques, en passant par les activités industrielles, les expositions muséales ou encore la recherche scientifique.

Jean Michel Diatta

Jean-Michel Diatta est journaliste reporter au journal Sud Quotidien à Dakar (Sénégal) depuis 2013. Auparavant il a fait un stage à la radio Sud FM à Ziguinchor. Après suivi une formation dans l’hôtellerie, domaine où il a travaillé durant quelques années, il a changé d’orientation et a obtenu un diplôme de l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication de Dakar en 2013. Il continue sa formation en vue de l’obtention d’un master.

Martine Salomon

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