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L’alimentation africaine peine à se faire de la place

L’alimentation africaine peine à se faire de la place

LE REPORTAGE DE MOHAMADOU HOUMFA EN SUISSE

Les produits gastronomiques passent encore mal auprès des consommateurs suisses pendant. Les difficultés d’importation n’en facilitent pas aussi la commercialisation. Reportage.

Les Suisses ont du mal à consommer africain. Le constat est partagé par plusieurs épiciers et restaurateurs basés à Genève. C’est le cas de Madame Malambu, gérante de l’épicière Africa food. « Il y a des curieux qui viennent acheter parfois. Mais, nos fidèles clients sont des Africains et aussi nos beaux frères et belle sœurs Suisses» déclare-t-elle. D’ailleurs, ce n’est pas toujours gagné de conserver la clientèle africaine. « Il y a nos frères africains qui ont pris les habitudes alimentaires d’ici » avoue Madame Malambu. Les raisons qui expliquent le désintérêt des Suisses pour la gastronomie africaine sont diverses. « La cuisine africaine prend du temps. Ce n’est pas tout le monde qui a la patience » tente de justifier l’épicière congolaise. « La gastronomie africaine est difficile du point de vue qualité. Il y a beaucoup de farine, c’est très calorique. Quand c’est lourd, les Suisses ont les problèmes digestifs » explique quand à lui Galetto, administrateur du magasin d’alimentation Global food basé à Lausanne. En effet, les Suisses consomment beaucoup plus légers que les Africains. C’est pourquoi, ce sont surtout les fruits et légumes qui font recette. « Les clients apprécient surtout les produits sous le label Fairtrade (raisons éthiques), par exemple les roses du Kenya et Ananas » révèle Monika Weibel du service de communication de Migros, l’une des plus importantes chaînes de supermarchés à Genève. C’est à peu près la même tendance chez Coop, une autre chaîne de supermarchés. Là-bas, les tomates issues du Maroc, les légumes du Kenya, les avocats et ananas d’Afrique du sud font partie des aliments les plus sollicités.

Difficultés commerciales

La faible pénétration des produits africains en Suisse n’est pas seulement le fait des habitudes alimentaires helvétiques. Plusieurs commerçants et spécialistes pointent les contraintes du marché suisse. « Le marché agricole suisse est l’un des plus protégés d’Europe » reconnaissent conjointement Carine Smaller et Jonathan Hepburn respectivement administrateurs pour le compte des ONG ISSD (International institute for sustainable development) et ICTSD (International Centre for Trade and Sustainable Development).  « Les tarifs consolidés pour l’importation de la viande de bœuf d’Afrique du Sud et de Namibie et les pommes de terre d’Afrique du Nord sont de 389% et 307% par exemple » dénonce Jonathan Hepburn. « Le marché suisse est un petit marché et les producteurs ici ne sont pas compétitifs. C’est pourquoi le gouvernement impose des tarifs importants » argumente Carine Smaller. Et, ce sont les importateurs qui paient le prix. « Le Cameroun par exemple n’a pas d’accords avec la Suisse. Conséquence, nous importons des produits surtaxés de ce pays » se plaint Galetto. Pour contourner ces difficultés, J. Hepburn conseille aux Etats africains de réaliser de meilleures négociations commerciales. « Les pays africains peuvent influencer les tarifs dans le cadre de certaines négociations comme les accords de Doha »déclare-t-il. Mais, les difficultés d’importation ne sont pas seulement le fait du gouvernement suisse. M. Tabot, gérant du restaurant éthiopien « Awash » indexe les problèmes de Douane en Ethiopie où il importe les épices. « Ce n’est pas facile d’importer à cause de la douane éthiopienne. On paye tellement de taxes que ça nous décourage » dénonce t-il.

Facilités d’importation

Pourtant, le secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) soutient que le gouvernement suisse favorise les importations. Hans-Peter Egler, chef du secteur Promotion commerciale du SECO indique que « depuis le 1er avril 2007, la Suisse applique de nouvelles règles pour les tarifs préférentiels et a introduit une politique exempte de quota pour les produits originaires des Pays les Moins Avancés (PMAs). Un programme spécial pour promouvoir les importations de pays en développement (Swiss Import Promotion Program) est par ailleurs établi. Nous soutenons également des pays partenaires sélectionnés lors de la mise en œuvre de standards et d’offices de normalisation, etc. en vue d’une meilleure infrastructure dans le domaine des standards afin de restreindre les obstacles non tarifaires. En outre, les partenariats publics-privés soutiennent le développement de chaîne de valeur durable dans les domaines du cacao, café et noix, etc ». Malgré tout, les chiffres officiels indiquent que le commerce entre l’Afrique et la Suisse ne se porte pas toujours mal. Selon le secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO), l’importation des matières de base d’origine végétale pour l’industrie des produits alimentaires a progressé de 89 millions de francs suisse en 2006 à 187 millions de francs suisses en 2010. Cependant, il ne s’agit là que d’un cas…minoritaire !

Mohamadou Houmfa

Mohamadou Houmfa est un journaliste camerounais qui s’est interessé, très jeune, au métier de journaliste. Dès le lycée, a participé à la réalisation des émissions scolaires et universitaires dans une chaîne urbaine de la ville de Yaoundé (Radio Tiéméni Siantou, RTS) et à l’antenne régionale de la Cameroon Radio and Television (CRTV, la radio gouvernementale) à Ngaoundéré dans le Nord du pays. Convaincu de sa passion, il a passé avec succès le concours d’entrée à l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC) de Yaoundé d’où il est diplômé de la 37ème promotion de journalisme. Au Cameroun, il est actuellement le rédacteur en chef de l’hebdomadaire « EMERGENCE » qui parait depuis le 1er juin 2010. Il est également pigiste pour plusieurs médias internationaux parmi lesquels l’agence Infosud basé à Genève en Suisse. Passionné par les TIC, il a travaillé avec plusieurs sites d’information comme journalducameroun.com. Il anime aussi un blog (mohamadouhoumfa.blogspot.com).

Gustavo Kuhn

Gustavo Kuhn, 33 ans, de nationalités Argentine et Suisse. Journaliste à la rubrique internationale de la Tribune de Genève et de 24 Heures, de Lausanne. Il a d’abord étudié la photographie à Buenos Aires avant d’entrer à la Tribune de Genève, à l’été 2002, en tant que journaliste au sein de la rubrique locale. Il y est resté jusqu’en 2005, année où il a rejoint la Monde. Travaillant à temps partiel au sein de ces journaux, il exerce une partie de l’année le métier de journaliste en tant que correspondant en Amérique du Sud.

Mohamadou Houmfa

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