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Au Sénégal, de nombreux jeunes espèrent percer dans les technologies numériques. Les multiples « hackathons » – concours d’innovation – qui ont lieu à Dakar leur donnent l’opportunité de montrer leur talent. C’est aussi l’occasion de développer des solutions locales à des problèmes locaux.
C’est le principe du AgriHack organisé les 26 et 27 août derniers au fablab (laboratoire de fabrication) Defko Ak Niep, au coeur de la capitale. Trente participants sont répartis en cinq équipes.
Ils ont 48 heures pour trouver des solutions utiles aux agriculteurs en alliant l’informatique et les objets connectés. Ils choisissent de travailler soit sur la gestion des problèmes d’irrigation, soit sur le problème des oiseaux qui dévorent les cultures.
Après deux journées intenses, les organisateurs du AgriHack choisiront une équipe lauréate dans chaque catégorie. Les vainqueurs gagnent une année d’accompagnement, pour améliorer leur prototype et réaliser un premier test en grandeur nature.
Emulation
« Procédez par étapes. Prenez trente minutes pour générer de multiples idées. Sélectionnez celles qui sont le mieux développables », dit le coordinateur Dodji Honou en passant entre les tables et en distribuant des post-it.
Certains groupes sont silencieux et studieux, chacun effectuant des recherches individuelles sur internet. D’autres sont très animés: penchés les uns vers les autres, les participants se concertent, fourmillent d’idées, et des rires jaillissent de leur tablée.
Ahmadou, 24 ans, pianote sur son clavier alors que Wahid, 23 ans, commente par-dessus son épaule. Sur l’écran défilent des lignes de codes informatiques. Leur table est parsemée de papiers avec des schémas, de connecteurs multicolores, de pinces, de leds.
Wahid, qui bricolait déjà des radios quand il était enfant, est maintenant technicien supérieur en informatique de gestion. Il n’a pas encore d’emploi. Il participe là à son premier hackathon, désireux de pratiquer la pluridisciplinarité. « Comme informaticien, il ne faut pas se limiter aux codes, mais combiner ses compétences avec l’électronique, ça permet de produire des choses plus intéressantes. »
Capteurs anti-oiseaux
« L’idée est de fabriquer un capteur de mouvement infrarouge qui sera relié à l’ordinateur », explique Wahid. Il provoquera une alerte lumineuse et sonore qui chassera les oiseaux. Et les informations recueillies par les capteurs seront transmises à un serveur. « Après tu peux consulter les données depuis n’importe où », complète Ahmadou.
Les oiseaux peuvent détruire 50 à 100% d’une récolte. Au lieu de payer des gens qui viennent les chasser avec des lance-pierres, on peut mettre en place un dispositif innovant, explique Dodji Honou. Deux pistes peuvent être envisagées pour distribuer de tels produits, précise-t-il. L’une est de les vendre à des organisations internationales pour leurs programmes d’aide. L’autre est de faire du « low tech »: technologies avancées, mais matériaux pas chers, pour pouvoir vendre aux clients à bas pouvoir d’achat.
Etudiant-entrepreneur
Certains participants sont déjà impliqués dans toute une palette de projets, comme Idrissa, 29 ans. Adolescent, il sculptait un personnage en bois dans son « poukouss », son coin au salon. Il en faisait un robot en y introduisant une dynamo, des batteries et des roulettes de cassettes audio.
Après des études en philosophie et en diplomatie, il revient à la technologie. Il fait partie d’une coopérative de prestations agricoles et a contribué à la création de son site internet. Et il vient de créer une entreprise de conception d’appareils électroniques avec une dizaine de cofondateurs.
Ils font pour l’instant de petites installations pour des particuliers, mais visent des produits plus élaborés. Le business plan est prêt: commercialisation d’un premier prototype après trois ans, puis extension au marché d’Afrique de l’ouest après cinq ans.
La première difficulté, c’est le financement, « une aide de l’Etat ne serait pas de refus », note Idrissa. Un autre frein est le contexte social. « Souvent, les gens ne nous prennent pas au sérieux. La technologie n’est pas assez bien connue par les Africains. Ils pensent que c’est réservé aux Occidentaux. »