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Après quinze ans de galère, enfin une vie « normale »

Après quinze ans de galère, enfin une vie « normale »

UN REPORTAGE D’ANTOINETTE PRINCE (ATS) EN ARMENIE

Arsen, la quarantaine, a un bon job à Erevan. Il est chef d’équipe, chargé de concevoir et fabriquer le mobilier pour une grande chaîne de magasins d’électronique. Un emploi à la hauteur de ses compétences. Il touche un salaire de 1000 dollars par mois – nettement au-dessus de la moyenne arménienne – avec des perspectives d’augmentation.

Un des petits commerçants que l’on trouve dans les villages tels que Tsovinar et Martuni, à une petite centaine de kilomètres à l’est d’Erevan, d’où les hommes partent souvent pour aller travailler en Russie.

Mais cette situation satisfaisante, ce père de deux filles ne la connaît que depuis quelques mois. Surtout, il a eu beaucoup de chance. Contrairement à la grande majorité de ses compatriotes à leur retour de Russie.

L’année passée encore, Arsen était saisonnier en Russie pour subvenir aux besoins de sa famille. Rentré au pays pour les fêtes de fin d’année, son billet de retour pour Moscou en poche, il a la mauvaise surprise, à la fin des vacances, de ne pas pouvoir repartir.

A l’aéroport d’Erevan, il apprend qu’il est sur une liste noire de personnes interdites d’entrée en Russie. Sans autre explication. Il perd l’argent du billet d’avion et rentre chez lui.

Vie bien organisée

Arsen en était à sa deuxième expérience de travail en Russie. Parti une première fois en 2000 avec sa femme et sa première fille, cet ingénieur diplômé en mécanique se retrouve à fabriquer des meubles dans une grande entreprise, un emploi trouvé grâce à un parent.

A Moscou, il gagne cinq fois plus qu’en Arménie. Il travaille aussi « deux fois plus dur », en moyenne 12 heures par jour, sept jours sur sept. Parfois jusqu’à 16 ou 18 heures par jour.

Sa femme, pédiatre, se trouve un emploi dans une policlinique. Elle gagne six fois plus qu’en Arménie. Ils restent un peu plus de deux ans, appréciant les bons salaires et une vie assez réglée, bien organisée.

Pourtant, ils ne se sentent pas chez eux, l’environnement reste étranger et leurs proches leur manquent, tout comme le pays. Ils rentrent donc en Arménie, d’autant plus qu’on leur dit qu’il y a du travail.

Un salaire mirobolant

Mais le retour n’est que déception. Arsen décroche un emploi chez un petit fabricant de meubles, comme simple ouvrier, avec un mauvais salaire. Pendant huit ans, sa femme ne trouve pas de travail dans sa spécialité. Elle doit se résoudre à travailler comme assistante médicale chez un urologue.

Lors de la crise de 2008, Arsen recommence à chercher du côté de la Russie. En 2012, une occasion se présente dans ce qui est désormais devenu sa spécialité: il va fabriquer de l’ameublement pour des restaurants. Ce travail est encore plus dur que le premier, mais avec une rémunération à l’avenant: 3000$ par mois, une vraie fortune en Arménie.

Cette fois il part seul. Au lieu de prendre un appartement, il vit sur son lieu de travail, avec une vingtaine de collègues, saisonniers comme lui. Histoire de ne pas perdre de temps en déplacements et d’économiser sur le loyer. Tous les quatre à cinq mois, il rentre au pays pour de brèves vacances.

Gagner de l’argent et boire

Cette vie entre hommes, il la décrit comme une « prison ». Un « mauvais service militaire », ajoute avec ironie celui qui a servi dans l’armée soviétique, avant l’indépendance de l’Arménie en 1991. De ses compagnons de vie, Arsen dit qu’ils sont « spéciaux ». « Ils travaillent dur, gagnent de l’argent et boivent. Ils n’ont pas d’autre satisfaction ».

Ces sacrifices valaient-ils la peine? « L’essentiel pour moi était de faire vivre ma famille, de pouvoir envoyer les enfants à l’école. Ma femme avait un travail, mais mal payé. »

Nouveau statut social

Aujourd’hui, Arsen est satisfait. Sa situation est même meilleure que celle qu’il avait en Russie. Pour cet homme doux, réservé, le fait d’être reconnu comme un spécialiste dans son domaine est une source de motivation.

« C’est une bonne sensation. On me demande mon avis, je travaille pour une grande et fameuse compagnie arménienne, avec des perspectives de croissance ». Et il est à nouveau près de sa famille. Aucun regret donc. « Je suis rentré, mais j’ai acquis un autre statut social. »

Antoinette Prince

Depuis cinq ans, Antoinette Prince travaille à l’Agence télégraphique suisse (ATS) à la rubrique internationale et online. Elle participe aussi à la rédaction de L’Accent multilatéral, une publication de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Après des études de pédagogie curative et une première quinzaine d’années dans l’enseignement spécialisé, elle a décidé de bifurquer vers le journalisme, son vieux rêve. Elle s’est formée comme journaliste RP dans des rédactions régionales et à la rubrique suisse de l’ATS. Aujourd’hui, elle satisfait ses envies d’ailleurs et sa curiosité par des voyages et son goût pour les langues.

Babken Tunyan

I was born in 1980, Yerevan, Armenia. In 2001 I graduated from the Yerevan State University (faculty of Economics) with bachelor’s degree. In 2003 I got masters degree in Economics at the same University. In 2003 I went to Russian-Armenian University to defend my PhD, but unfortunately there was no enough time to combine work and study, so I stopped the educational process. Instead, while working I had a lot of opportunities of trainings and lectures in Armenia and in other contries (United Kingdom, United States of America, France). The most significant course was in London. I was choosen by the Hansard Scholars program and studied public policy 3 months at the London School of Economics. As for work experience, I started to work quite early, in my second year of study. In 1999 I started to work at the Armenian Red cross society as assitant of the head of Migration department. Then I worked for the NGO of producers and exporters of natural active substances (assistant of the president), in TV5 channel. I came to 168 Hours newspaper in 2005 and still work there. I work as economic observer, but often cover also political, foreign and social issues. Since 2012, when our website was renewed, I was apoointed editor of the economic sector of the online version. I want to mention, that for a short period (2007-2009) I was the chief editor of the “3 Million” magazine, which was a part of 168 Hours LLC.

Antoinette Prince

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